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ZNT riverains : en finir avec le no man’s land réglementaire
[Edito] Pour la seconde fois en deux ans, le Conseil d’État a renvoyé à 10 mètres les pulvérisateurs des zones habitées, et avec eux le ministère et la profession. L’occasion de remettre sur le tapis la question des pertes d’exploitation induites par les Zones non traitées (ZNT). Via le Plan stratégique national en cours d’écriture ?
En juin 2019, le Conseil d’État annulait plusieurs dispositions de l’arrêté interministériel du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques au motif qu’il ne comprenait pas, entre autres, de dispositions concernant la protection des riverains. L’arrêté et le décret du 29 décembre 2019 étaient censés corriger le tir. Las, le 26 juillet 2021, le Conseil d’État a donné six mois au gouvernement pour revoir sa copie sur plusieurs points. Les distances minimales d’épandage doivent être augmentées pour les produits simplement suspectés d’être cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR). Des mesures doivent être prises pour protéger les personnes travaillant à proximité d’une zone d’utilisation de pesticides. Enfin, une information des riverains doit être organisée en amont de l’utilisation de ces produits. On souhaite du courage et de l’imagination aux services du ministère de l’Agriculture pour répondre aux deux dernières exigences.
Un mauvais signal envoyé à nos concitoyens
On les encourage vivement à trouver la martingale car ces recalages à répétition sont des plus délétères pour les agriculteurs, ballotés dans une espèce de no man’s land réglementaire qui, s’il vise à sécuriser in fine la santé de nos concitoyens, place les producteurs dans une forme d’insécurité juridique totalement superflue. On pense aussi aux fabricants de produits phytos rendus à faire valser les étiquettes et leurs mentions réglementaires. Ces péripéties génèrent un autre poison consistant à stigmatiser la protection phytosanitaire. Elles instillent en effet dans l’esprit de nos concitoyens, dont certains n’en réclament pas tant, l’idée que les agriculteurs sont « border line » s’agissant de l’usage des produits, alors qu’ils utilisent des spécialités dûment homologuées et dans des conditions en tous points conformes à la réglementation (usage, dose, délai avant récolte, ZNT points d’eau, pollinisateurs, conditions de vent...).
On pourra néanmoins faire grief à la profession de faire pression sur le ministère, tenté de ménager la chèvre et le chou, en ignorant certaines recommandations de l’Anses, en l’occurrence les 10 mètres requis pour les produits classés ou présumés CMR. Pour éviter une troisième bévue, le ministère de l’Agriculture serait bien avisé de faire avaliser son futur projet de décret par le Conseil constitutionnel, comme il l’a fait récemment avec l’arrêté sur la gestion de l’eau.
Les ZNT indemnisées dans le PSN ?
En attendant, la circonspection va demeurer la règle pour les futurs chantiers d’automne. Et puisqu’une ZNT de 10 mètres va finir par s’imposer à toute une panoplie de produits, sans rien enlever aux autres ZNT en vigueur, la question du manque à gagner lié à la non protection voire à la non production des zones en question va évidemment ressurgir, sans parler de ses corolaires que sont la compétitivité de nos filières et la souveraineté alimentaire de notre pays.
Jusqu’à présent, le ministère a fait la sourde oreille. Avec le Plan stratégique national, et son inventaire au pré vert de mesures environnementales, il dispose opportunément d’un cadre et de moyens. Quoi de plus simple que d’imaginer une modalité de l’écorégime ou une Maec rayant définitivement et unilatéralement de la carte 10 mètres de SAU à proximité des zones habitées et travaillées (actuelles et futures), permettant ainsi de s’affranchir du caractère avéré ou présumé des CMR, sans s’encombrer de chartes et en imposant, tant qu’à y être, les dispositifs anti-dérive agréés. En voilà un programme de non-traitement.