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Samedi 13/12/2025

111 foyers de DNC et presque autant de foyers de colère

L’irruption de la DNC en Ariège et dans les Hautes-Pyrénées a déclenché une vague de mobilisation sur les réseaux routiers de plusieurs départements, que l’annonce d’une barrière vaccinale de Biscarrosse (Landes) à Narbonne (Aude) n’a pas apaisée, tandis qu’un 111ème foyer était confirmé samedi en Haute-Garonne.

Le blocage, de la N20 à Pamiers et à Tarascon-sur-Ariège (Ariège) et à Latour-de-Carol (Pyrénées-Orientales), des échangeurs de Caussade (Tarn-et-Garonne) sur l’A20, de Bram (Aude) et de Saint-Martin de Crau (Bouches-du-Rhône) sur l’A54, d’une portion de la RD 911 dans l’Aveyron, de la rocade à Auch (Gers) ou encore la présence de manifestants devant la préfecture à Mont-de-Marsan (Landes )… : une quarantaine d’actions ont été menées samedi dans une quinzaine de départements, mobilisant environ 2000 personnes selon le décompte du ministère de l’Intérieur, qui avait appelé les forces de l’ordre à faire preuve de « souplesse » et de « tact ». L’autoroute A64 reliant Toulouse (Haute-Garonne) à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) a concentré à elle seule une part importante de la mobilisation, avec la fermeture du réseau sur 150 km entre Tarbes (Hautes-Pyrénées) et Bayonne, tandis qu’à l’Ouest de Toulouse, l’échangeur de Carbonne, épicentre de la crise de janvier 2024, était bloqué.

Le foyer ariégeois, élément déclencheur

Dès jeudi, la Coordination rurale avait appelé à « une mobilisation nationale contre la décision de l’État de maintenir l’abattage total dans les territoires », rejointe vendredi par la Confédération paysanne, appelant « à se mobiliser et à organiser des blocages partout en France pour en finir avec cette folie », en référence à l’abattage total des troupeaux infectés par le virus de la DNC, stratégie adoptée le 16 juillet par le CNOPSAV (Comité national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale), assortie de la vaccination obligatoire et gratuite en zones réglementées et de restrictions de mouvements des animaux. La fronde, soutenue ici et là par des représentants de FDSEA et des JA, a pour élément déclencheur la détection, le 9 décembre, d’un foyer en Ariège, à 100 km du foyer le plus proche situé dans les Pyrénées-Orientales. Des heurts ont éclaté avec les forces de l’ordre chargées de sécuriser l’accès des vétérinaires en charge de l’euthanasie des 208 bêtes. Il y a quelques jours, l’Ordre national des vétérinaires s’est d'ailleurs plaint auprès de la ministre Annie Genevard du « déchaînement de violences et de contenus haineux sur les réseaux sociaux à l'égard des vétérinaires sanitaires, à l'égard de la profession vétérinaire et de l'Ordre des vétérinaires ».

Les zones réglementées et vaccinales en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie en date du 12 décembre (Source : ministère de l’Agriculture)
Les zones réglementées et vaccinales en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie en date du 12 décembre (Source : ministère de l’Agriculture)

Barrière sanitaire de Biscarrosse à Narbonne

La CR et la Conf’, qui plaident notamment pour un abattage sélectif, combiné à une vaccination généralisée, voient dans l’irruption du 109ème foyer l’Ariège puis du 110ème dans les Hautes-Pyrénées, l'échec de la stratégie de lutte. De son côté, le ministère de l’Agriculture rappelle que la majorité des membres du Parlement du sanitaire, réuni ce même 9 décembre - mais avant la confirmation du foyer ariégeois - avaient « réaffirmé leur confiance dans la stratégie déployée ». Le ministère met aussi en gage la levée de trois zones réglementées (Savoie, Rhône-Loire, Jura), appelant à la « stricte observance des piliers de la stratégie de lutte », les « manquements de quelques-uns » étant susceptibles « d’anéantir les efforts consentis par nombre d’agriculteurs depuis le début de l’épidémie », en référence aux présomptions de transport illicite d’animaux.

Vendredi 12 décembre, tout en réaffirmant que l’abattage était « la seule façon de stopper la contagion », le ministère de l’Agriculture a tout de même fait un pas en direction des contestataires, en décrétant la vaccination dans 5 départements cernant les foyers de l’Ariège (1 cas), des Hautes-Pyrénées (1 cas) et des Pyrénées-Orientales (20 cas), au sud d’une ligne reliant de Biscarrosse (Landes) à Narbonne (Aude), une mesure que le président de la FNSEA avait, en filigrane, appelé de ses vœux la veille au soir, le syndicat restant fidèle à la stratégie de lutte en vigueur. Le ministère a par ailleurs décrété l’indemnisation de la période d’improductivité des exploitations dépeuplées, selon un barème prenant en compte la période pendant laquelle le renouvellement est impossible tant que la circulation d'animaux est interdite sur la zone de l'exploitation, ainsi qu'une durée d'organisation du repeuplement. Un accompagnement psychologique est par ailleurs proposé aux exploitants concernés.

La DNC est un maladie virale classée en catégorie A par l’UE et donc à éradication immédiate. Elle se manifeste par de la fièvre et des nodules très douloureux sur la peau et les muqueuses, évoluant sous forme d’ulcères. Il n’existe pas de traitement antiviral spécifique. Le taux de mortalité est d’environ 10% et les animaux en réchappant conservent des séquelles, (amaigrissement, pertes de fœtus, stérilité). Le virus de la DNC se transmet par des piqures d’insectes vecteurs, à savoir les tabanidés (taons) et les stomoxes (mouches charbonneuses) à la capacité de déplacement inférieure à 5 km. Les tabanidés sont actifs de mai à septembre avec un pic en en été, variable selon les espèces tandis que les stomoxes ont une activité 9-10 mois avec deux pics, l’un au printemps et l’autre à l’automne, avec une activité en bâtiment en fin d’hiver avant la mise à l’herbe. La période d’incubation de la maladie est longue de 28 jours tandis le vaccin assure la protection complète des animaux 21 jours après la mono-injection, ce qui explique que des animaux vaccinés puissent manifester des symptômes. Les animaux subcliniques manifestent des symptômes frustes mais constituent des réservoirs insidieux de la maladie, justifiant selon les autorités l’abattage total des unités épidémiologiques infectées.

Au lendemain de cette annonce, samedi, la préfecture de Haute-Garonne annonçait la détection d’un 1er cas de DNC dans le département, sur la commune de Touille, le 111ème foyer depuis le premier détecté en Savoie le 29 juin. Le nombre d’animaux euthanasiés depuis s’établit à 3089, non comptés ceux des foyers de l’Ariège, des Hautes-Pyrénées et de Haute-Garonne. Près de six millions d’euros ont été versés aux éleveurs concernés par un dépeuplement.

La perte du statut indemne et l’impact sur l’export et le prix de la viande

Sauf changement de pied, le ministère a fixé à fin janvier l’annonce de la stratégie vaccinale 2026 par le CNOPSAV, avec dans la balance la vaccination préventive généralisée, protectrice du cheptel mais synonyme de la perte, pour l’Hexagone et pour 14 mois, de son statut de pays indemne de DNC, obligeant les autorités à des trésors de diplomatie sanitaire, sans s’exonérer d’une batterie de contraintes supplémentaires à l’export. L’Italie par exemple, qui a donné le 9 décembre son accord à l’introduction sur son territoire de bovins issus des zones vaccinales françaises, exige en contrepartie, avant le départ des animaux, une protection insecticide contre les vecteurs de la DNC, un examen vétérinaire et des résultats d’analyse PCR négatifs sur échantillonnage. Il faut par ailleurs que l’ensemble du troupeau concerné ait été vacciné depuis au moins 28 jours et que l’immunité collective ait été atteinte dans les 50 km autour de l’élevage depuis 60 jours.

L’exportation de bovins vifs est capitale pour la filière bovine française : en 2024, elle a généré un excédent commercial de 1,7 milliard d’euros. Selon l’Institut de l’élevage, sur 5,5 millions de bovins produits chaque année en France, 1,4 million sont exportés, principalement en Italie et en Espagne : 1 million de broutards de races allaitantes, dont 36 % de femelles, et 400.000 bovins laitiers jeunes, surtout des veaux de moins de 2 mois en direction de l’Espagne. En date du 9 décembre, l’Espagne n’avait pas fait connaitre ses exigences vis-vis-des animaux issus des zones vaccinales

Les entraves à l’export, en plus de nuire aux éleveurs dépendants de ce débouché, pourraient aussi, par ricochet, faire baisser les prix de la viande.