Blocage de l’acétamipride : la CGB et l’ANPN demandent des comptes et un nouveau texte législatif

La CGB réclame des « mesures drastiques de sauvegarde » de la filière betteravière tandis que l’ANPN évalue à 45 millions d’euros le préjudice subi depuis 4 ans par la filière noisette. En attendant un nouveau texte législatif ciblé sur l’acétamipride, avec en tête le précédent du Cruiser SB et du Gaucho 600 FS réintroduits en 2021 et 2022, avec l’aval du Conseil constitutionnel.

Sans surprise, les filières qui attendaient l’acétamipride comme le Messie n’ont pas manqué de réagir à la décision du Conseil constitutionnel qui, le 7 août, a censuré l’article 2 de la loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », adoptée par le Parlement le 8 juillet dernier et portée par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UDI). L’article en question ouvrait la possibilité de réintroduire sur le marché français l’acétamipride, un néonicotinoïde en usage dans les 26 autres pays membres de l’UE et disposant d’une AMM jusqu’en 2033 mais que la France a banni en 2018 avec l’ensemble de cette famille de produits.

« Surtransposition = importations », ont dénoncé de nombreuses organisations agricoles tandis que des associations ont loué un « sursaut collectif pour la nature et la santé publique », la Confédération paysanne évoquant de son côté une « victoire d’étape ». La communauté scientifique et les instances médicales étaient aussi montées au créneau.

Une « concurrence inéquitable » menant à « l’extinction »

La ministre de l’Agriculture Annie Genevard a évoqué de son côté une « concurrence inéquitable » menant parfois les filières à « l’extinction », s’engageant à « poursuivre le travail auprès de la Commission européenne pour avancer vers une harmonisation des règles phytopharmaceutiques en Europe, afin que les décisions soient prises au niveau européen et non plus au niveau national », en attendant un inventaire des « productions en danger » et que l’INRAE doit lui remettre à la rentrée.

Indemniser les préjudices

Les producteurs de betteraves sucrières et plus encore ceux de noisettes étaient aux aguets, les premiers faute de moyens de lutte efficaces en cas de forte infestation de pucerons vecteurs de la jaunisse, les seconds pour déjouer la situation d’impasse induite par les attaques du balanin et de la punaise diabolique.

Dans un communiqué, l’Association nationale des producteurs de noisettes (ANPN) interpelle le président de la République, lui demandant « l’indemnisation des 45M€ perdus par la filière au titre des quatre dernières années de production », ainsi qu’un « soutien durable de 20M€ par an pour la filière, qui pourrait être financé par les signataires de la pétition citoyenne qui souhaitent le développement de la production durable », propose-t-elle. Plus de 2 millions de français ont en effet manifesté leur opposition à la loi Duplomb en signant une pétition sur une plateforme dédiée de l’Assemblée nationale.

De son côté, la CGB demande à l’exécutif de prendre des « mesures drastiques de sauvegarde pour éviter un effondrement la filière betterave-sucre-éthanol », suggérant « un dispositif d’indemnisation des pertes causées par la jaunisse ».

La « faute d’encadrement » de l’article 2

Cependant, ces deux organisations, tout comme la FNSEA, attendent surtout de l’exécutif qu’il remette le dossier acétamipride sur le métier. Non sans quelque espoir de passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel. Si ce dernier a rejeté l’article 2 au motif qu’il était contraire à Charte de l'environnement, laquelle a valeur constitutionnelle depuis le 1er mars 2005, affirmant notamment « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » ainsi que le « devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement », les Sages ont aussi pointé la « faute d’encadrement » du texte.

Le précédent du Cruiser SB et du Gaucho 600 FS en 2021 et 2022

L’article 2 avait en effet le tort de ne pas fixer de limites au champ d’application de l’insecticide, ni dans la durée ni dans ses usages, et d’être dénué de mesures d'évaluation de ses effets nocifs et des moyens permettant de les atténuer.

Le Conseil constitutionnel n’avait rien trouvé à redire à la loi 2020-1578 du 14 décembre 2020 et à l’arrêté du 5 février 2021 entérinant la réautorisation pour les betteraves sucrières des traitements de semences à base d’imidaclopride (Gaucho 600 FS) et de thiaméthoxam (Cruiser SB), pour une durée de 120 jours, avant que la Cour de justice de l’UE n’interrompre prématurément la dérogation prévue initialement pour trois campagnes. Le cas serait sans doute différent pour l’acétamipride, dûment autorisé au niveau européen. Le sénateur Laurent Duplomb a estimé que le Conseil constitutionnel « nous donne des éléments pour trouver des solutions pour peut-être réintroduire l'acétamipride ».

De son côté, le ministre de la Santé Yannick Neuder, a appelé à réévaluer « sans délai » au niveau européen l’impact sur la santé humaine de l’acétamipride. En cas d’impact avéré sur la santé humaine, « il faudra naturellement interdire ce produit », a-t-il ajouté, soulignant que le Conseil constitutionnel reconnaît les risques sur la santé humaine mais que le principe de précaution reste cantonné aux questions environnementales.

Le Conseil constitutionnel a rappelé que les néonicotinoïdes « ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux » et « induisent des risques pour la santé humaine ».