Dernière étape pour la nouvelle Pac au Parlement européen

Le Parlement européen devrait donner mardi son feu vert définitif à la nouvelle Pac, destinée à « verdir » l'agriculture de l'UE, malgré l'opposition des Verts et d'une partie de la gauche qui dénoncent du « greenwashing ».

Après des mois de difficiles pourparlers, les négociateurs des Etats membres et du Parlement s'étaient accordés en juin sur cette nouvelle Politique agricole commune, qui s'appliquera à partir de janvier 2023. Elle est dotée d'un budget de 387 milliards d'euros jusqu'en 2027, soit près d'un tiers du budget pluriannuel de l'UE, dont 270 milliards d'aides directes aux agriculteurs. La France reste le principal pays bénéficiaire. Les eurodéputés doivent se prononcer à la mi-journée sur les trois textes régissant cette politique européenne, qui devraient obtenir l'aval de la majorité, selon plusieurs sources parlementaires.

L’introduction des écorégimes

La réforme prévoit d'accorder des primes aux agriculteurs participant à des programmes environnementaux plus exigeants, recourant à des techniques plus écologiques ou contribuant à améliorer le bien-être animal. Les Etats devront consacrer en moyenne 25% par an des paiements directs à ces écorégimes entre 2023 et 2027, avec la possibilité de n'y consacrer que 20% les deux premières années. Ils devront affecter au moins 35% du budget du développement rural à des mesures liées à l'environnement et au climat. Chaque Etat doit préparer d'ici fin 2021 un Plan stratégique détaillant son usage des fonds européens. Bruxelles devra vérifier la conformité de ces politiques agricoles nationales aux objectifs de réduction des gaz à effet de serre (Pacte vert) et de baisse de 50% des pesticides d'ici 2030, avec un quart des terres réservées au bio. Un alignement qui n'est toutefois pas assez contraignant pour les ONG écologistes.

Plus verte et plus sociale

Au moins 10% des paiements directs devront être redistribués aux petites et moyennes exploitations, les Etats devront employer au moins 3% du budget au soutien des jeunes agriculteurs. Une réserve de crise permanente d'au moins 450 millions d'euros est instituée en cas d'instabilité des prix.

L'eurodéputée française Anne Sander (PPE, droite) juge le résultat « équilibré ». « L'accord n'est pas parfait, on va demander aux agriculteurs de faire davantage d'efforts avec un budget qui est quand même en légère baisse », a-t-elle reconnu lors d'un point de presse vendredi, tout en soulignant de « nombreuses avancées ». « On a défendu une Pac environnementale mais avec un volet économique fort » en faveur des agriculteurs », indique-t-elle.

Du côté du groupe Renew Europe, pour l'eurodéputé et agriculteur Jérémy Decerle, le compromis trouvé est un « succès » et la Pac est « renforcée ». L'Italien Paolo de Castro (Socialistes et démocrates, S&D) se réjouit que « le caractère social de cette réforme ait été fortement musclé », l'accord prévoyant de sanctionner les agriculteurs ne respectant pas les droits des travailleurs, et estime que « la nouvelle Pac permettra à l'UE d'atteindre les objectifs du Pacte vert ».

« Canada dry d'écologie »

Un point de vue contesté par les Verts, qui voteront contre le texte, réclamant la réécriture d'une nouvelle Pac « pour qu'il y ait une cohérence avec ces objectifs », explique le Français Benoît Biteau, paysan bio et agronome. Il dénonce un « Canada dry d'écologie », un « cahier des charges trop faible pour qu'on engage cette transition » verte, soulignant aussi que « 80% de l'enveloppe (des aides) est mobilisée par seulement 20% des agriculteurs ».  Même son de cloche du côté de l'élu Manuel Bompard (GUE/NGL, gauche radicale), pour qui le vote de cette Pac serait « un désastre ». « Les écorégimes sont tellement mal définis qu'ils ouvrent la voie à des processus de greenwashing », critique-t-il. Dans un tweet posté vendredi, la militante pour le climat Greta Thunberg a aussi qualifié cette Pac de « désastreuse pour le climat et l'environnement », et « pas en ligne avec l'accord de Paris » de 2015, qui fixe comme objectif de limiter le réchauffement « bien en deçà » de 2°C et si possible à 1,5°C.

Après le vote de mardi, cette Pac devra encore recevoir l'aval formel des Etats membres.