Egalim 1,2 et 3 : coûts de production trop bas, certains acteurs ont inventé leurs propres références

Les lois Egalim avaient pour objectif de redonner l’initiative de la formation des prix aux producteurs, en se basant sur les coûts de production. Ces textes législatifs ont également mis en place l’encadrement des promotions et la majoration de 10 % du seuil de revente à perte, des mesures pour lesquelles le bilan semble plutôt positif. Cependant, ces processus s’avèrent trop peu encadrés et contournés par plusieurs acteurs.

Pour la profession agricole, le principal dysfonctionnement de la loi Egalim repose sur la prise en compte des coûts de production dans l’élaboration du prix. "En lait, un contrat peut stipuler que le coût de production représente 60 % du prix, mais uniquement pour 80 % des volumes livrés car le reste n’est pas commercialisé en France. Pourtant, en tant qu’éleveuse, je n’ai pas à savoir où va ma production. En partant de ce principe, il faudrait que je calcule un coût de production différent pour 20 % de mes vaches, c’est une hérésie !" s’insurge Sophie Lenaerts, présidente de la Coordination rurale de l'Oise.

Même constat au sein de la Confédération paysanne. "Aujourd’hui, la contractualisation ne fonctionne pas car le coût de production est trop peu pris en compte dans l’élaboration du prix. Il n’y a donc pas réellement d’interdiction de vente à perte et pas de volonté politique de l’arrêter" analyse Thomas Gibert, secrétaire national du syndicat. Yannick Fialip, membre du bureau national de la FNSEA, estime que les formules de prix utilisées pour la contractualisation fonctionnent mais, comme la Confédération Paysanne et la Coordination Rurale, il partage l’idée d’intégrer de manière plus importante les coûts de production, qui "doivent correspondre à un pourcentage significatif du prix, 10 % c’est trop peu" reconnaît-il.

Respecter les indicateurs de référence

Pour le président de la Fédération nationale bovine, Patrick Bénézit, le problème se situe dans la formule d’élaboration des coûts de production. "Certains acteurs ont inventé leurs propres indicateurs, puisque la loi n’a pas rendu ceux élaborés par les interprofessions obligatoires. Les opérateurs ont donc contourné les indicateurs de coût de production, et les éleveurs ne veulent pas contractualiser à des prix trop bas" justifie-t-il.

Dans un communiqué du 18 mai, la FNSEA et les JA insistent sur l’importance d’utiliser un référentiel reconnu. "Nous demandons que la formation des prix de la MPA soit établie principalement à partir des indicateurs de coûts de production interprofessionnels, qui doivent être les seuls indicateurs de référence, ou à défaut, ceux des Instituts Techniques reconnus"

Sécuriser le coût de la matière première

Dans le prolongement de la contractualisation, la loi Egalim II exclut la part relative au coût de la matière première agricole dans les négociations commerciales entre industriels et distributeurs. Pour la Confédération Paysanne, cette évolution ne change pas le rapport de force : les éléments de prix restent déterminés par les deux co-contractants. L’acheteur peut donc toujours répercuter indirectement la pression imposée par la distribution sur les autres aspects du prix, tels que l’emballage, au producteur de matière première agricole. Dans leur communiqué du 18 mai, la FNSEA et les JA s’inquiètent des données de l’observatoire des négociations commerciales, qui révèlent que "la hausse moyenne de la matière première agricole déclarée par les industriels n’a pas été couverte par la hausse du prix net". Pour y remédier, de nombreux acteurs aimeraient que l’élaboration des contrats entre la production et le premier acheteur soit achevée avant le début des négociations commerciales. Un point qui devrait être largement discuté dans le cadre d’Egalim 4.

Egalim III prolonge l’encadrement des promotion

En 2023, la troisième loi Egalim est votée. En pleine crise inflationniste, elle cible moins l’amont de la filière et se concentre sur les négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. Néanmoins, elle élargit la sanctuarisation du coût de la matière première dans les négociations commerciales. "Egalim II l’avait ouvert aux marques nationales. Egalim III inclut les marques de distributeurs et la restauration hors foyer" énumère Yohann Barbe, président de la Fédération nationale des producteurs de lait.

Le texte prévoit également de prolonger les dispositifs d’encadrement des promotions et la majoration de 10 % du seuil de revente à perte (SRP). Le premier plafonne les promotions sur les produits alimentaires à 34 %, soit au maximum deux produits achetés = 1 gratuit. Le deuxième dispositif, le SRP, stipule que les distributeurs appliquent une majoration de 10 % au prix d’achat des produits alimentaires pour leur revente. "Nous avons été vigilants concernant les attaques sur le SRP dernièrement. Ces deux dispositifs ont permis d’éviter, dans un moment d’inflation forte, que l’alimentation serve de prix d’équilibre dans le panier des ménages, comme cela avait pu être le cas en 2009" se félicite Yannick Fialip.