En 2022, l’assiette à moitié pleine de la bio

En dépit d’indicateurs confirmant l’atterrissage de l'AB, l’Agence bio affirme que la bio n’est pas « une parenthèse qui se referme » et que des relais de croissance de la demande sont patents en magasin et en restauration, à l’image de la vente directe, consubstantielle à la bio, et qui progresse, bénéficiant de l'engouement pour le « local ».

Avec 60.483 exploitations bio (+3,5% sur un an) et une SAU à 10,7% à fin 2022 (+2,7%), l’agriculture biologique peut se targuer d’afficher des indicateurs toujours dans le vert, en dépit d’une année tourneboulée par l’inflation. « La part des produits bio dans les courses des Français est passée de 6,4% en 2021 à 6% en 2022 », tempère Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio, lors de la présentation annuelle des chiffres de l’AB, dans un contexte inédit : la consommation alimentaire des ménages français a reculé de 5,1% en 2022, hors inflation. « En 2022, l’inflation met à mal le pouvoir d’achat des Français et les conduit à devoir dépenser plus et à consommer moins », fait savoir l’Agence bio.

Or la consommation à domicile pèse pour 92% du marché bio. « Les Suédois, les Autrichiens, les Suisses, les Luxembourgeois mangent plus de 10% de bio, les Danois sont à 13% », poursuit Laure Verdeau, qui ne veut pas croire que la bio est « une parenthèse » qui se referme ou qui aurait atteint son plafond de verre. « Si la France était à 10%, le marché bio serait supérieur à 30 milliards d’euros ». Il s’établit en 2022 à 12 milliards d’euros, en retrait de 4,6% sur un an, alors même que l’inflation a moins pénalisé les produits bio, à +4%, contre +6,8% en moyenne tous produits alimentaires confondus selon l’Insee. « La bio, ce n’est pas la consommation très régulière de quelques-uns mais ce doit être un peu de la consommation de tout le monde », plaide Laure Verdeau.

Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio : « A nous de modeler ce marché et de booster la consommation de bio dans tous les circuits, à domicile par des campagnes d’information massives mais aussi dans le quotidien des chefs et des gestionnaires de cantines »
Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio : « A nous de modeler ce marché et de booster la consommation de bio dans tous les circuits, à domicile par des campagnes d’information massives mais aussi dans le quotidien des chefs et des gestionnaires de cantines »

La restauration commerciale et collective en retrait, mais en progrès

Même si leur poids est relatif, avec respectivement 5% et 3% des débouchés de la bio, la restauration commerciale et la restauration collective sont d’autres relais de croissance pour l’AB. Problème : les denrées bio représentent moins de 2% des achats des restaurateurs, loin des 6% des achats pour la consommation à domicile, en dépit d’une hausse de 17% sur 2022.

"Quand on mange au restaurant, on oublie les engagements que l’on peut avoir à la maison, c’est bizarre"

« Quand on mange au restaurant, on oublie les engagements que l’on peut avoir à la maison, c’est bizarre », s’étonne Laure Verdeau. S’agissant de la restauration collective, l’approvisionnement en bio a progressé de 7% en valeur sur l’année 2022, pour s’établir à 7% contre 6% en 2021, loin des 20% fixés par la loi Egalim, mais que l’Etat s’est engagé à pousser, dans le cadre de son plan de soutien dévoilé en mai dernier.

"On a besoin de muscler les débouchés sur l’ensemble des occasions de consommation"

L’Agence bio pourra aussi compter sur un financement de 2 millions d’euros sur trois ans de l’UE dans la cadre du programme « Du bio, chef », incitant les restaurateurs à s'approvisionner en bio. L’Agence bio souhaiterait que les neuf mois de cursus du CAP cuisine comptent un peu plus que les quatre heures dévolues aux produits sous signes de qualité. « On a besoin de muscler les débouchés sur l’ensemble des occasions de consommation, le marché peut être modelé, martèle Laure Verdeau, comme pour conjurer la fatalité. La bio étant l’affaire de tous, si on fait la somme des 170.000 restaurants, des 80.000 cantines, des 80.000 artisans et petits commerces et des grandes surfaces, cela fait plus de 370.000 points de vente qui peuvent mettre un peu plus de bio chaque jour ».

Bio et local, mariage gagnant

Il faut y ajouter les 26.300 fermes bio, soit presque une ferme sur deux (43%) qui réalisent de la vente directe, et dont le chiffre d’affaires a augmenté de 3,9% en 2022. Ce circuit assure 12,6% des débouchés de la consommation bio à domicile, derrière la GMS (52,6%, -4,6% sur un an), les magasins bio (26,9%, -8,6%) et les artisans et petits commerces (7,7%, -2,6%).

"L’opposition entre : « je ne mange pas bio, je mange local », n’a plus lieu d’être : les Français ont fait le choix des deux"

La vente directe s’avère être le seul circuit en croissance en 2022, ce qui permet à l’Agence bio de tordre le cou au poncif selon lequel les Français privilégient le local au bio. « Alors que le local représente 1 à 2% des achats alimentaires des Français, c’est 13% en bio, se réjouit Laure Verdeau. L’opposition entre : "je ne mange pas bio, je mange local", n’a plus lieu d’être : les français ont fait le choix des deux. La vente directe à la ferme, c’est la garantie d’avoir des produits bio ultra compétitifs. Les Français ne se sont pas trompés ».

L’Agence bio en profite aussi pour récuser les attaques en « sous-souveraineté » alimentaire dont serait porteuse la bio, renvoyant ses contempteurs aux importations d’engrais azotés et de soja. En 2022, le bio « made in France » assure 70% de la consommation intérieure, contre 68% en 2021, et pointe à 83% si l’on exclut les produits tropicaux.

La directrice de l’Agence bio a également élargi le débat à l’avenir de l’agriculture, en évoquant « le vecteur d’attractivité » que constitue la bio pour les candidats à l’installation. « Il faut se débrouiller pour les accueillir », a conclu Laure Verdeau, toute à l’offensive. La France est le 1er pays bio de l’UE en termes de surfaces devant l’Espagne et l'Italie et le 13ème en part de SAU bio, le trio de tête étant constitué de l’Autriche, de l’Estonie et de la Suède.