La bio pas encore sur le billot

Salué par les organisations agricoles, le plan de soutien de près de 200 millions d’euros semble (enfin) calibré à la crise qui secoue la bio, que les pouvoirs publics avaient abandonnée à la versatilité du marché et des consommateurs, rabaissant ainsi ses aménités environnementales.

Le ministère de l’Agriculture a-t-il pris la mesure de la (première) crise qui secoue l’agriculture biologique, consécutive au déséquilibre entre l’offre et la demande, sur fond d’inflation galopante des produits alimentaires, et aux prises à des consommateurs déboussolés par les multiples écolabels et tendant à privilégier le « made in local » ? Peut-être, si l’on en juge les réactions de la FNAB qui « se félicite des annonces du ministre de l’Agriculture », de la FNSEA qui « se félicite de la revalorisation de l’aide d’urgence » ou encore de la Confédération paysanne qui voit un « signal » dans le fait de mobiliser le levier de la commande publique, autant de réactions consécutives à l’annonce du plan de soutien à l’AB, en date du 17 mai.

Le vignoble bordelais mieux traité

La somme en jeu, près de 200 millions d’euros, y est sans doute pour beaucoup. Car jusqu’à présent, le ministère avait plutôt été chiche à l’égard de l’AB. Les annonces de décembre 2022, suite aux Assises de la bio (revalorisation du Fonds Avenir Bio, des budgets de la campagne Bio Réflexe et de l’Agence Bio) puis de mars dernier, avec un fonds d’urgence de 10 millions d’euros, relevaient d’un traitement homéopathique pour le coup un peu léger. A titre indicatif, les montants d’aide cumulés de ces deux « plans-plans » se situent bien en-deçà, par exemple, des 30 millions d’euros minimum alloués au plan d’arrachage de quelques 8400 ha de vignes dans le bordelais au bénéfice d’un gros millier de viticulteurs (avec la contribution additionnelle du CIVB, donc producteurs, et de la Région Nouvelle-Aquitaine). La bio, c’est 2,77 millions d’ha de SAU et 58.413 exploitations (fin 2021). On pourrait évoquer les récents plans de sauvetage des filières porcine (270 millions d’euros) et avicole (1 milliard d’euro), en attendant de voir ce que les pucerons vecteurs de la jaunisse des betteraves vont sucrer aux finances publiques. Autant de plans de sauvegarde vitaux, cela va sans dire.

Un déni des aménités environnementales

Le satisfecit concernant le plan de soutien à l’AB ne vire pas au plébiscite. La FNAB attend des mesures structurelles, à commencer par un écorégime revalorisé à 145 €/ha (au lieu de 110€/ha) achevant de compenser la perte de l’aide à la conversion, aux côtés du crédit d’impôt, porté de 3500 à 4500 euros. La Confédération paysanne juge insuffisante l’aide d’urgence de 60 millions d’euros tandis que la FNSEA réclame l’application stricte d’Egalim 1 et 2 (construction du prix en marche avant, non-négociabilité de la matière première agricole).

Le plan ménage un tiers de soutien à l’offre, deux tiers de soutien à la demande, en combinant des actions d’ordre conjoncturel et structurel. Le ministère, qui vise toujours les 18% de SAU en 2027, n’a pas exclu de remettre au pot avec les reliquats d’aides à la conversion qui ne seraient pas consommés cette année. Le tout témoigne d’une inflexion du second quinquennat d’Emmanuel Macron, quand le premier avait abandonné la bio à la versatilité du marché et des consommateurs, avec l’annonce, dans les allées de Tech&Bio s’il vous plait, de la fin de l’aide au maintien. La mesure revenait ni plus ni moins à dénier les aménités environnementales de la bio, que le marché rechigne à rémunérer, pendant que le conventionnel reste, en grande partie, amnistié de ses impacts sur les sols, l’eau, l’air et la biodiversité, toujours plus documentés, comme en atteste encore une étude sur l’effondrement des populations d’oiseaux. A défaut de mieux, la bio reste en sursis.