Face à la bombe climatique, l’impérieuse nécessité de s’armer

[Edito] Alors que les déflagrations de la guerre en Ukraine n’en finissent pas, le changement climatique a toutes les allures d’une bombe à fragmentation. Gare à ne pas se tirer une balle dans le pied à coups de sur-réglementations et de surtranspositions.

Avec la 59ème édition du Salon international de l’agriculture (SIA) qui s’ouvre à Paris, l’agriculture a rendez-vous avec la France. Et réciproquement. Il y a trois ans, autant dire une éternité au vu des soubresauts du monde, l’épidémie de Covid-19 amputait l’édition d’une journée, avant de mettre à bas celle de 2021. En 2022, le SIA ouvrait ses portes deux jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, au mépris du droit international et à la stupéfaction du monde entier. Le Covid-19 avait révélé nos vulnérabilités en matière de respirateurs, de masques, de poches à perfusion ou encore de médicaments anesthésiants. Mais qui pouvait prévoir une pandémie, un siècle après la grippe espagnole ? La guerre en Ukraine met sous tension comme jamais des biens essentiels comme les céréales, les oléagineux, les engrais, les hydrocarbures mais aussi les canons et les munitions. Mais qui pouvait prédire le retour de la guerre en Europe près de 80 ans après la chute du nazisme ?

De l’eau n’a pas coulé sous les ponts

A la veille du SIA 2023, si l’épilogue de la guerre reste totalement insondable, les nuages se situent sur le front climatique dans l’Hexagone. Ou plus exactement l’absence de nuages. Notre pays vient en effet de vivre une séquence météorologique totalement inédite, avec un record de 32 jours sans pluie en plein hiver, alors que trois nappes d’eau sur quatre sont sous la normale, le tout après une année 2022 historiquement chaude et sèche. Mais qui sait si nous ne serons pas sous les eaux dans les semaines ou dans les mois à venir, empêchant de semer, de faucher, d’arracher, d’ensiler, de moissonner ou de vendanger ? En attendant, les conditions sont réunies pour enflammer les tensions entre les différents usages et usagers, voire pour déclencher une « guerre » de l’eau, terme un tant soit peu déplacé, eu égard à ce que vit le peuple ukrainien. Du reste, deux de nos plus éminents représentants, les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique, ne semblent pas disposés à se laisser enfermer dans cette guéguerre, aussi contreproductive qu’irresponsable.

S’outiller, vite, et autant que possible, tous ensemble

A l’occasion d’une conférence de presse en amont du Salon, Marc Fesneau a redit que l’appréhension du changement climatique reposait sur l’adaptation des systèmes, l’innovation technologique et l’accès à l’eau, le tout avec un gilet, non pas de sauvetage, mais de sécurité, qu’est l’assurance récolte recalibrée. Le ministre ne s’est pas caché derrière son petit doigt pour dire l’espoir qu’il fondait sur l’apport des NBT « qui ne sont pas des OGM », pour disposer à relativement court terme de variétés adaptées aux conditions de stress hydrique et thermique. Encore faudra-t-il que la France ne réinterprète pas le futur règlement européen, sous l’effet de son addiction aux sur-réglementations et aux surtranspositions. C’est ce qui s’appelle se tirer une balle dans le pied. Ou plus exactement des balles dans chaque pied, si l’on s’attarde un instant sur le S-métolachlore, les néonicotinoïdes foliaires, les ZNT, la loi Agec sur les emballages pour fruits et légumes, la fin du broyage des poussins mâles et de la castration à vif des porcelets etc. Pardon aux Ukrainiens de gaspiller autant de cartouches inutilement. Face au péril climatique, bien perceptible, il va falloir, non pas s’armer donc, mais s’outiller, et vite. Et autant que possible, tous ensemble.