Les engrais organiques (aussi) sous pression

Le prix des engrais organiques n’est pas totalement décorrélé de celui des engrais minéraux. La filière fait face à la pénurie de matières premières, en particulier en bio, ouvrant la voie à l’importation de produits litigieux selon l’Afaïa.

« Le consentement à payer des engrais organiques est souvent basé sur une base minérale, et quand le prix de l’engrais minéral monte, celui de l’engrais organique monte également », déclare Laurent Largant, directeur de l’Afaïa, le syndicat professionnel des acteurs de la filière des supports de culture, paillages, amendements organiques, engrais organiques et organo-minéraux et biostimulants.

Les engrais organiques n’échappent donc pas à l’envolée généralisée du coût des matières premières qui, pour ce qui est des engrais de synthèse, a vu le prix du gaz naturel multiplié par trois et celui des engrais de par deux, comme l’a rappelé l’Unifa à l’occasion de sa conférence de presse annuelle.

"Une grosse partie des produits comme les fientes de volailles séchées, de provenance française, ne sont plus disponibles à cause des règles franco-françaises"

Même si l’agriculture biologique ne constitue pas le débouché exclusif des engrais organiques, le renchérissement de ces derniers ne va pas faire l’affaire des agriculteurs bio, en tout cas de ceux qui ne disposent pas de leurs propres ressources, via les effluents. Si le gaz se fait rare et cher en conventionnel, le gisement de matière organique se fait aussi plus rare dans le domaine de l’AB, avec la limitation de l’usage des effluents en provenance d’élevage considérés comme industriels.

Depuis le 1er janvier 2021, sont en effet proscrits les fumiers ou excréments d'animaux liquides en provenance d’élevages comptant plus de 60.000 poules pondeuses élevées en cages, plus de 3.000 porcs de plus de 30 kg ou encore plus de 900 emplacements de truies en systèmes caillebotis ou grilles intégral. « Une grosse partie des produits comme les fientes de volailles séchées, de provenance française, ne sont plus disponibles à cause des règles franco-françaises, déclare Laurent Largant. Avec cette règle, la filière bio française s’est tiré une balle dans le pied et a en prime déroulé le tapis rouge à des produits douteux quant à leur caractère organique ».

Le doute sur des produits à 10% d’azote organique

L’Afaïa fait référence à des billes d’azote en provenance de Chine, dont la teneur affichée (10%) interroge quant à leur prétendue origine organique. Le syndicat rappelle que les sources d’azote organique les plus riches proviennent de matières premières animales (corne broyée, sang desséché, farine de plumes par exemple), qui atteignent ou dépassent 15 % d’azote. Du côté végétal, seuls certains tourteaux de soja, ou le gluten, très rarement utilisés en fertilisation pour des raisons économiques, approchent les 10 % d’azote.

Les adhérents du syndicat ont renoncé à commercialiser les produits douteux. L’Afaïa soutient par ailleurs la reconnaissance d’une méthode d’analyse permettant de discriminer l’origine synthétique ou organique de l’azote.

Peu d’espoir côté européen

Comme le rappelle l’Afaïa, rien n’obligeait la France à instaurer des seuils définissant le caractère « industriel » des élevages. Le règlement européen de l’AB, s’il proscrit le recours à des effluents issus de « factory farming », se garde d’en donner une définition, laissant libre cours à chaque État membre de faire sa propre lecture. « Les agriculteurs bio n’ont pas accès aux mêmes fertilisants selon le pays dans lequel ils se trouvent, souligne le directeur de l’Afaïa. Mais les produits finaux ont tous le même logo AB. La situation crée des distorsions entre les fabricants de fertilisants et entre agriculteurs ».

Le 1er janvier 2022 entrera en vigueur le nouveau règlement bio européen. Mais à ce stade, l’Afaïa n’y pas décelé la moindre définition de l’élevage industriel, prérequis à un début d’harmonisation. Pire : les coquilles d’œufs issues d’élevage industriels sont désormais bannies. Pas de restrictions en revanche en ce qui concerne les farines de viande...