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Mercredi 19/11/2025

Nos excrétats, ce gisement de fertilisants soupçonneux mais inestimables

En cette journée mondiale des toilettes, le Réseau de l’assainissement écologique (RAE) et la FNAB appellent à structurer la valorisation des excrétats humains, en créant une agence de la séparation et en finançant les initiatives à partir d’une « contribution engrais ». Selon l’Ademe, l’urine humaine pourrait couvrir 16% des achats actuels d’engrais chimiques. La chasse est ouverte.

« Du tout-à-l’égout au tout-à-la-terre » : tel est le credo du Réseau de l’assainissement écologique (RAE), un collectif d’associations, de bureaux d’études, de chercheurs, d’artisans, d’entreprises et de particuliers, actifs dans la promotion et la mise en œuvre de systèmes d’assainissement écologique. Et en ce 19 novembre, avec le soutien de la FNAB, le collectif appelle l’État à soutenir la création de filières locales de collecte et de valorisation, à adapter le cadre réglementaire et sanitaire et à soutenir les collectivités dans la mutation de leur système d’assainissement.

Comparaison des volumes produits par Français, en m3 par an et par habitant (Source : Ademe)
Comparaison des volumes produits par Français, en m3 par an et par habitant (Source : Ademe)

Selon l’Ademe, qui a publié en septembre dernier un rapport d’expertise sur la collecte à la source et la valorisation des excrétats humains, les enjeux environnementaux et économiques relèvent davantage de la « grosse commission » que de la petite. Jugez plutôt.

30% des besoins azotés de la production nationale de blé

Au plan environnemental, la valorisation des urines à l’échelle nationale pourrait réduire de 85 mégatonnes les émissions de CO2eq par an, économiser jusqu’à 628 millions de m3 d’eau potable et éviter le rejet dans les eaux de surface de 269.000 t d’azote par an. L’azote présent dans l’urine humaine pourrait couvrir 16% des achats actuels d’engrais chimiques pour le secteur agricole, soit 30% des besoins azotés de la production nationale de blé et 76% de la consommation française de blé. Alors que la réglementation impose que 70% de l'azote soit extrait des eaux usées par les stations d’épuration, le taux effectif est en réalité de 10%, 40% de l’azote étant perdu dans le milieu et 50% est transformé en azote atmosphérique.

Si le rapport pointe l’enjeu de la contamination de l’urine en produits pharmaceutique, peu documenté et aux risques associés incertains, il ne le juge pas spécifique à la séparation à la source de l’urine, la problématique étant similaire avec l’assainissement conventionnel ou encore avec les fumiers et lisiers.

Une opération blanche ?

Au plan économique, l’Ademe juge « modérés » les coûts d’investissement et d’opération des systèmes de collecte et de valorisation des urines En tenant compte des économies réalisées sur le système d’assainissement conventionnel et de l’amortissement des investissements, l’impact économique de la séparation à la source des urines serait limité, estimé entre -0,2 à +1,3 milliards d’euros par an. La valeur économique de l’azote contenu dans l’urine (270 millions à plus de 1 milliard d’euros) ainsi que le coût des émissions évitées de CO2 (290 à 930 millions d’euros), d’azote dans les milieux aquatiques (30 à 70 millions d’euros) ou de particules fines (21 à 122 millions d’euros) pourraient renforcer l’intérêt économique de la séparation à la source.

Les recommandations de l’Ademe…

Selon l’Ademe, la collecte sélective de l'urine humaine correspond aujourd’hui à un vide juridique tandis que la transformation de l'urine en engrais rééquerrait une reclassification juridique, autant d’incertitudes exigeant un travail législatif et normatif. L’agence de la transition écologique estime par ailleurs « cruciaux » la sensibilisation accrue des acteurs et le soutien à des projets pilotes afin « d’assurer l’appropriation sociale et l’équilibre économique ». Ses recommandations incluent également des mesures de soutien à la recherche, au développement et à l’innovation, le financement d’équipements adaptés et des programmes de sensibilisation publique ainsi que l’animation et la structuration de la filière.

… et du RAE

De son côté, le Réseau de l’assainissement écologique appelle à créer une agence dédiée à la séparation à la source, recouvrant l'ensemble des techniques alternatives au tout-à-l’égout et finançant les collectivités ou organisations parties prenantes, en priorisant l’installation de toilettes écologiques dans les nouvelles constructions ou dans les grosses rénovations de bâtiments. Le RAE recense en France une trentaine de sites nantis de toilettes écologiques. Côté financement, le RAE propose de créer une « contribution engrais » fixée à 0,9% du chiffre d’affaires des metteurs en marché d’engrais de synthèse, montant progressivement à 3,5%.