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Politiques alimentaires : des snacks plutôt qu’une SNANC ?
Issue de la loi Climat et résilience et attendue depuis juillet 2023, la Stratégie nationale pour l’alimentation la nutrition et le climat (SNANC), se fait attendre, au grand dam des experts en alimentation, qui réclament des actes sur « l’environnement alimentaire ». En guise d’amuse-gueule, le gouvernement multiplie les appels à projets.
Faire émerger de nouveaux Projets alimentaires territoriaux (PAT) (volet 1), développer des actions innovantes susceptibles d’essaimer à l’échelle nationale ou inter-régionale (volet 2), déployer à ces mêmes échelles des démarches exemplaires (volet 3) : tels sont les trois appels à projets lancés par le ministère de l’Agriculture, dotés d’un budget pouvant atteindre 2,8 millions d’euros, et dont les résultats seront dévoilés au printemps prochain, les candidatures clôturant le 8 janvier.
SNANC ou snacks ?
Avec le soutien des ministères de la Santé et des Solidarités, ainsi que l’Ademe, le ministère réitère ainsi une initiative en tous points similaire à celle lancée en novembre 2023. Des appels à projets en guise d’amuse-gueule ou, dit autrement, des snacks en guise de SNANC, cette Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, que désespèrent les experts en alimentation, non sans quelques bonnes raisons. La première relève tout bonnement de la législation : la SNANC aurait dû être publiée avant le 1er juillet 2023, conformément à la loi Climat et résilience d’août 2021. La seconde tient à l’objet de la SNANC, pensée comme faire-valoir de la transition alimentaire et outil d’orientation de la demande, apte à traduire dans l’assiette (plus végétale, bio et locale, à base de produits bruts plutôt que transformés) la transition agroécologique au champ (moins de pesticides, de fertilisants et d’antibiotiques) et tendre ainsi vers les objectifs environnementaux et climatiques.
Notre assiette, notre santé, notre climat
Ce qui, dans notre assiette, est bon pour notre santé l’est également pour notre environnement : c’est ce qu’affirmait en 2020 l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), sur la base d’une étude démontrant que la bonne application des recommandations nutritionnelles réduisait de 50% l’impact sur l’environnement, au prisme de trois critères (émissions de gaz à effet de serre, ressources utilisées, occupation des sols). Problème : selon Santé publique France, 40% des hommes et 25% des femmes outrepassent la recommandation du Programme national nutrition santé (PNNS) s’agissant de la consommation de viande (500g/semaine). Le ratio est de 70% et de 50% pour la charcuterie (150g/semaine). 60 % des adultes n’incluent pas de produits céréaliers complets et peu raffinés dans leur alimentation. 85 % ne satisfont pas la recommandation concernant les légumes secs et autant ne déclarent aucune consommation de fruits à coque non salés quand le PNNS recommande d’en consommer une petite poignée tous les jours.
Agir sur l’environnement alimentaire, inverser le poids de la responsabilité
Selon des experts en alimentation qui, en avril dernier, publiaient une tribune invitant le gouvernement à mettre en place cet outil de planification écologique dédiée à l’alimentation, « l’action publique doit porter sur ce qui conditionne le lien entre producteurs et consommateurs, à savoir l’environnement alimentaire, c’est-à-dire les prix, le capacité financière des consommateurs, les offres présentes et visibles dans les lieux d’achats, les normes sociales véhiculées par les médias, la publicité, les informations accessibles (...) L’environnement alimentaire est lui-même en grande partie façonné par les acteurs majeurs de l’industrie agroalimentaire, de la grande distribution et de la restauration (…) Cette approche permet de renverser la charge de la responsabilité : elle n’incombe plus seulement aux individus, mais à l’ensemble des acteurs ».
Le laxisme au nom d’un interventionnisme liberticide ?
Selon l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), auteur d’un rapport sur les politiques publiques alimentaires, l’Etat justifie son attentisme, pour ne pas dire son laxisme, en considérant comme illégitime une action directe sur les pratiques alimentaires, et se limitant en conséquence à des dispositifs d’information et d’éducation du « consommateur-citoyen ». Un tel paradigme repose ainsi sur le postulat erroné que le consommateur « responsable » et « bien informé » sera en capacité de faire les « bons » choix sans pour autant que le législateur ne rogne sur sa liberté individuelle. Selon l’IDDRI, « la littérature s’accorde sur le fait qu’une action publique limitée à l’information et à l’éducation a un effet limité voire nul sur les comportements alimentaires et que cette approche ne permet pas des changements sur le long terme ».