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Projet de loi d’orientation agricole : l’essentiel du texte adopté à l’Assemblée nationale
L’Assemblée nationale a adopté le 28 mai en première lecture le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, qui sera examiné en commission par le Sénat à partir du 12 juin. Le texte entérine notamment la création de France Services Agriculture et son guichet unique à l’installation, le droit à l’essai ou encore le diagnostic de viabilité de pré et post-installation. Le GFAI est passé à la trappe mais le projet de loi esquisse une future réforme foncière.
Souveraineté et intérêt général majeur
« La protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche sont d’intérêt général majeur en tant qu’ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux ». Telle est l’entame du projet de loi et son article 1er qui stipule que Les politiques économiques, sociales et environnementales concourent à assurer la souveraineté alimentaire et agricole de la France, c’est-à-dire à maintenir et à développer ses capacités à produire, à transformer et à distribuer les produits agricoles et alimentaires nécessaires à l’accès de l’ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous, tout au long de l’année, et issue d’aliments produits de manière durable.
D’ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans, une programmation pluriannuelle de l’agriculture, compatible avec les objectifs de réduction des émissions de GES, définira les modalités d’action des pouvoirs publics, en complément des politiques déterminées par l’Union européenne.
Chaque année, le gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l’état de la souveraineté agricole et alimentaire du pays.
400.000 exploitations, 500.000 exploitants, 21% de bio, 10% de légumineuses
L’article 8 assigne aux politiques publiques et aux Schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (SDREA) pour objectif de compter au moins 400.000 exploitations et 500.000 exploitants à horizon 2035, en favorisant la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles et le développement des pratiques agroécologiques, dont l’agriculture biologique, tout en prenant en compte les attentes sociales et professionnelles des personnes qui souhaitent s’engager dans les métiers de l’agriculture et de l’alimentation et la diversité des profils concernés. Le développement des Services de remplacement sera encouragé. L’article 8 fixe par ailleurs l’objectif d’atteindre d’ici au 1er janvier 2030 les taux de 21% de SAU en agriculture biologique et de 10% de légumineuses.
Le guichet unique France Services Agriculture
L’article 10 consacre la création du nouveau dispositif d’installation France Services Agriculture (FSA) avec dans chaque département un point d’accueil unique pour la transmission et l’installation, dont la gouvernance et la mise en œuvre associent l’Etat et les Régions. Le réseau FSA propose un accueil et une orientation à toute personne qui exerce une activité agricole ainsi qu’un accompagnement personnalisé, coordonné et pluraliste aux personnes personnes qui souhaitent s’engager dans une activité agricole ou qui projettent de cesser leur activité et de transmettre leur exploitation.
L’instauration d’un droit à l’essai
L’article 10bis consacre la création d’un test d’association à l’essai, défini comme une période au cours de laquelle une ou plusieurs personnes physiques majeures expérimentent un projet d’agriculture en commun avec un statut d’associé à l’essai, encadré par une convention écrite sous l’égide de France Services Agriculture, réalisé sur une période d’un an, renouvelable une fois, avec l’accord de l’autorité administrative.
Un diagnostic modulaire pré et post-installation
L’article 9 consacre la création, au plus tard en 2026, d’un diagnostic modulaire destiné à renforcer la viabilité économique, environnementale et sociale des projets d’installation et de cession d’exploitations agricoles. Déployé par France Services Agriculture, il destiné à fournir des informations utiles aux exploitants agricoles pour les orienter et les accompagner lors des différentes étapes de la vie de l’exploitation. Il est notamment composé d’un module de « stress-test climatique », d’un module d’analyse économique de l’exploitation à transmettre ou du projet d’installation et d’un module consacré à l’aspect social du projet, afin de prendre en compte les conditions de travail sur l’exploitation, notamment en matière de santé, de sécurité ainsi que de gestion du travail et des ressources humaine. L’alinéa III précise que « le gouvernement élabore un cadre pour la conception et la mise en œuvre des modules (...) notamment un module relatif à la valeur de reprise des exploitations agricoles à céder ».
Nouveau diplôme Bac+3
L’article 5 crée un diplôme national de premier cycle (Bac+3) en sciences et techniques de l’agronomie, apportant des compétences notamment en matière de management, d’entrepreneuriat agricole ou de conduite des productions et des transitions de l’agriculture ou de la forêt dans un contexte de changement climatique, de génie de la robotique et du numérique agricoles, de génie de la bioéconomie, de la décarbonation et de l’énergétique agricoles ou de génie de l’eau en agriculture. L’acquisition de ces compétences conduit notamment à l’activité de chef d’entreprise ou d’assistant ingénieur.
Le régime juridique des haies simplifié
L’article 14, consacré à la protection et à la valorisation des haies, institue notamment la déclaration unique préalable à tout projet de destruction, lequel peut être subordonné à l’obtention d’une autorisation unique qui tient lieu tient lieu des déclarations, des absences d’opposition, des dérogations et des autorisations. Dans un délai qui sera fixé par décret en Conseil d’État, l’autorité administrative pourra s’opposer à la décision projetée.
Des amendes de 3ème ou 5ème classe sont prévus en cas d’arrachage illicite. En ce qui concerne l’entretien des haies, une période d’interdiction de travaux est fixée dans chaque département par l’autorité administrative
compétente, en tenant compte des périodes sensibles pour les espèces à enjeux locaux au regard des périodes de nidification ainsi que des spécificités et conditions climatiques et pédologiques du département.
Atteinte à l’environnement et échelles de peine
L’article 13 révise l'échelle des peines en cas d'atteinte à l'environnement et réserve la qualification de délit aux atteintes commises de manière intentionnelle. Il présume que toute intentionnalité est exclue lorsque l'atteinte est commise dans le cadre de l'exécution d'une obligation légale ou réglementaire. L’autorité administrative compétente peut, sans avoir procédé préalablement à une mise en demeure, obliger la personne physique ou le dirigeant de la personne morale responsable de l’atteinte à suivre un stage de sensibilisation aux enjeux de l’environnement, notamment à la reconnaissance et à la protection des espèces et des habitats.
Chien de protection des troupeaux et protection juridique des éleveurs
L’article 16 stipule que l’absence de négligence, de maladresse, d’imprudence, d’inattention ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est présumée lorsque l’animal est, au moment des faits, en action de protection d’un troupeau.
Pas de Groupement foncier agricole d’investissement
Le gouvernement a dû renoncer à la création du Groupement foncier agricole d’investissement, un outil de portage foncier faisant appel à des investisseurs publics et privés, les oppositions invoquant un risque de financiarisation et d’inflation du prix du foncier. L’article 8 fixe néanmoins à l’Etat, aux côtés des collectivités territoriales volontaires, d’accroître progressivement la mobilisation de fonds publics au soutien du portage, d’une part, et des investissements nécessaires à la transition agroécologique, d’autre part, en s’appuyant sur les banques publiques du groupe Caisse des dépôts et consignations.
Une future loi foncière en suspens
Le renoncement au GFAI ampute le projet de loi de tout ou presque de son volet foncier. Néanmoins, l’article 8 entérine « une réforme de l’ensemble des instruments juridiques et financiers » devant « permettre à la politique foncière de s’adapter aux enjeux contemporains (...). L’État se fixe pour objectif de contrôler les phénomènes d’agrandissement par la régulation de l’ensemble des marchés fonciers afin de permettre le renouvellement des générations en agriculture (...) et de bâtir une stratégie de lutte contre la concentration excessive des terres et leur accaparement, notamment lorsque ceux-ci résultent d’investissements étrangers en France ». Le même article 8 prévoit une réforme de la fiscalité applicable à la transmission des biens agricoles ainsi que la transparence des cessions d’usufruit ou de nue-propriété, avec dans les deux cas une application dès 2025.