Vers une Indemnité compensatoire de handicap climatique ?

[Edito] C’est ce que réclame la Chambre d’agriculture de l’Aude, département aux avant-postes du changement climatique, victime d’incendies à répétition sur fond de sécheresse chronique et de déprise.

« Nous travaillons ardemment à une Indemnité compensatoire d'handicap climatique ». C’est ce qu’a déclaré Ludovic Roux, président de la Chambre d’agriculture de l’Aude dans les colonnes du Paysan du Midi. C’était à la mi-juillet, à la suite de plusieurs incendies se soldant par l’envolée en fumée de plus de 3000ha de végétation, impactant céréales, élevages et vignes. Sauf que depuis, un autre incendie a ravagé 600ha tandis que le méga-feu des Corbières s’est adjugé cette semaine un record jamais enregistré en France depuis le début des relevés en 1976, avec plus de 17.000ha ravagés en moins de 36 heures. Un feu hors-norme par son étendue (15 communes), sa vitesse de propagation, avec des pointes à 5 km/h, son bilan humain (au moins une victime et plus de dix blessés) et matériel, avec des dizaines d’habitations et de véhicules calcinés.

10% de l’AOC Corbières impactés

L’agriculture, et la viticulture en particulier, va payer un lourd tribut. Selon un bilan encore très provisoire établi par la préfecture, le feu aurait impacté 800 à 900ha de vignes dans le périmètre du feu, auquel il faut ajouter possiblement des parcelles situées dans le cône de fumée. C’est donc a minima 10% de l’AOC Corbières, la 1ère AOC viticole du Languedoc, qui est impacté. Exposition directe aux flammes en bordure immédiate des foyers, radiations thermiques susceptibles d’engendrer de la mortalité plus en profondeur des parcelles, larguage de produits retardants ou encore d’eau salée, goût de fumée inoculé aux raisins : la vigne joue certes un rôle de pare-feu mais elle y laisse des grappes. Et beaucoup trop pour un département comme l’Aude, qui a battu récemment un autre record : celui des demandes d’arrachage définitif sur fond de crise viticole, sans perspective tangible de débourbage, le dernier avatar en date étant l’application de taxes de 15% par les Etats-Unis.

L’élevage a son ICHN

 « C’est un incendie qui est une conséquence du dérèglement climatique, de la sécheresse dans cette région et de la situation climatique de notre pays », a déclaré Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, tout en rappelant que « neuf feux sur dix sont d’origine humaine ». Avec les Pyrénées-Orientales voisines, l’Aude est aux prises depuis plusieurs années à des déficits de précipitations engendrant un état chronique de sécheresse, rabougrissant les rendements et les revenus, autant de carburant pour la déprise… et feu les reprises d’exploitation.

Moins de vigne, c’est plus de garrigue, et plus de garrigue, c’est plus de risque d’incendie. La formule vaut pour l’élevage : moins de pastoralisme, c’est plus de milieux fermés et plus de combustible. Mais l’élevage a son ICHN, l’Indemnité compensatoire de handicap naturel. « Ce que disent les scientifiques, et nous pouvons le prouver localement, c'est qu'on est dans des zones qui se désertifient. Pour cela, il faut qu'on ait une compensation », affirme le président de la Chambre d’agriculture de l’Aude, qui réclame donc l’instauration d’une ICHC, un Indemnité compensatoire de handicap climatique. « L’outil est prêt », assure le viticulteur des Corbières.