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A la cantine, le bio reste un défi
Combien d'élèves mangeront bio à la cantine cette année ? Entre les contraintes de prix, une méconnaissance des filières ou des difficultés d'approvisionnement, les collectivités ont encore souvent du mal à se conformer à la législation.
Concombre, pommes de terre, légumineuses, fromage blanc... A la cantine du groupe scolaire Maryse-Bastié à Romainville (Seine-Saint-Denis), tout est bio et les enfants n'en laissent pas une miette dans leur assiette en ce lundi de rentrée. « C'est bio et en plus, c'est bon! », s'écrie Jade, cinq ans, en grande section de maternelle. « Y a que les pois chiches que j'ai pas aimés, sinon j'ai tout mangé », renchérit sa camarade de classe Capucine.
De l'entrée au dessert, les plats sont issus à 100% de l'agriculture biologique depuis 2023, et les repas élaborés avec une diététicienne, pour « apporter à l'enfant tout ce dont il a besoin », a indiqué à l'AFP le chef de la cantine, Djefferson Dasilva.
Si cette décision a renchéri le prix des poissons et des viandes, elle ne s'est pas répercutée sur les tarifs. La mairie a même réussi à économiser entre 80 centimes et 1 euro par repas, en jouant sur d'autres leviers: deux menus végétariens par semaine, achat de produits bruts non transformés, ou encore de plus petites quantités commandées pour mieux gérer le gaspillage.
A Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), le 100% bio concerne aussi toutes les écoles de la ville depuis 2012. « On produit nous-mêmes nos légumes sur notre ferme municipale, 85% de ceux qu'on sert aux élèves en proviennent, le reste c'est du local », a dit à l'AFP l'adjoint au maire, Gilles Perole. Mais ces deux exemples ne reflètent pas la réalité de nombreuses autres collectivités, qui ne se conforment pas à la loi Egalim de 2018. Celle-ci fixe l'objectif de « 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20% issus de produits biologiques » à l'horizon 2022 dans les repas servis en restauration collective.
Difficile d'avoir un état des lieux précis du respect de la législation. Sur la plateforme Ma cantine, qui recense la part du bio dans les achats des collectivités, sur la base du volontariat, seules 41% des cantines avaient rendu publics leurs résultats au premier trimestre. Au vu des réponses, en 2024, l'Agence bio estimait à 13% les achats en bio par les cantines ayant publié sur la plateforme.
« Choix politique »
L'association des Régions de France évalue à 11,5% la part de bio dans les lycées. « La complexité » de la mise en oeuvre de la loi « n'a pas facilité sa montée en puissance » dans les établissements scolaires, a estimé avant la rentrée François Bonneau, le vice-président de l'association. « Les difficultés d'approvisionnement en produits de qualité et durables (...) s'accroissent ces dernières années », affirmait aussi un rapport de l'Association des maires de France publié en juin 2024.
Le collectif des Pieds dans le plat, qui a accompagné plusieurs établissements scolaires et collectivités, attribue plutôt leurs difficultés à se conformer à la loi à une méconnaissance du marché. « Il faut que les collectivités et les cuisiniers aillent faire un sourcing précis des richesses agricoles de leurs territoires, on est plus riche qu'on ne croit en France », considère Marine Jobert, la coordinatrice du collectif.
« On a beaucoup de producteurs en bio et (...) les filières sont plutôt en demande de clients fidèles », renchérit Lyderic Motte, l'un des responsables du Réseau Manger Bio, qui fait le lien entre les collectivités et les agriculteurs. A Paris, la mairie a fait « le choix politique » d'imposer le bio dans ses cantines, a affirmé à l'AFP Audrey Pulvar, l'adjointe à la maire chargée de l'alimentation durable, de l'agriculture et des circuits courts. « Nos critères sont plus exigeants que ceux d'Egalim ».
Les caisses des écoles qui assurent le service de restauration scolaire ont acheté en 2024 62,3% de produits durables, 46,4% de bio et 19% de local, selon la mairie. Si le prix reste la plus grosse contrainte pour les petites collectivités qui n'ont pas les moyens des métropoles, imposer le bio est avant tout « une question de volonté », assure Jean Verdier, le président de l'Agence Bio.