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Le menu végétarien à la cantine, une expérience sans lendemain ?
Un rapport du CGAAER et de l’IGEDD pointe les contraintes matérielles, humaines, et in fine financières, liées à l’instauration d’une option végétarienne en restauration collective, confinant à l’indigestion réglementaire, mais non sans livrer quelques recettes, pour lever les freins.
Promulguée le 22 août 2021, la loi Climat et résilience a introduit, sinon pérennisé, plusieurs modalités de la loi Egalim du 30 octobre 2018 relatives à l’introduction d’options végétariennes en restauration collective. Le cadre réglementaire en vigueur à ce jour l’impose ainsi à la restauration universitaire et à la restauration collective de l’Etat et des entreprises publiques nationales tandis que la restauration scolaire se doit de proposer un menu végétarien hebdomadaire, suite à l’expérimentation conduite entre novembre 2019 et octobre 2021. La loi Climat a par ailleurs introduit la possibilité, pour les collectivités territoriales volontaires, d’expérimenter une option végétarienne quotidienne dans les services de restauration collective dont elles ont la charge, pour une durée de deux ans, soit entre août 2021 et août 2023.
C’est cette expérimentation qui a fait l’objet d’une évaluation par le CGAAER (*) et l’IGEDD (**), comme le prévoyait la loi, étant entendu que les données scientifiques actuellement disponibles confirment que le menu végétarien hebdomadaire (sans viande et sans poisson) peut contribuer à la couverture de l’ensemble des besoins nutritionnels de l’enfant à condition qu’il soit équilibré et que l’offre végétarienne prenne mieux en compte l’intérêt des apports en légumineuses et en céréales complètes.
Le champ expérimental couvrait la restauration scolaire à tous les degrés (crèche, maternelle, école primaire, collège et lycée), la restauration médico-sociale (hôpitaux, EPHAD), le portage de repas à domicile (non éligible à l’expérimentation car non appropriée au plan nutritionnel) et les restaurants administratifs territoriaux, soit potentiellement 80.000 établissements. Problème : seuls 49 d'entre eux, servant au total 46.500 repas par jour, se sont déclarés volontaires ce qui, ajouté aux réponses parfois lacunaires, relativise les enseignements de l’enquête, complétée toutefois par l’audition de gérants d’établissements non candidats mais pratiquant une politique de menu végétarien.
Une acceptation globale des menus végétariens
Si l’introduction d’un menu végétarien hebdomadaire obligatoire dans les cantines scolaires a été perçue dans un premier temps par une partie de la population comme une atteinte portée à la tradition gastronomique française, les rapporteurs notent qu’elle semble avoir fait son chemin et que le concept de menu végétarien est désormais assez bien accepté. Et du reste, l’adhésion des convives s’avère plus forte que celle du personnel des établissements. Les convives évoquent en premier lieu une satisfaction liée à une plus grande variété de recettes et une certaine nouveauté. Ils apprécient également la liberté de choix qui leur est laissée, puis viennent les critères d’impact sur l’environnement et sur la santé. Pour le personnel de la restauration, le premier critère évoqué est la nouveauté. Les menus végétariens sont perçus comme un changement positif dans le changement de plats proposés et le souci de protection de l’environnement que cela recouvre. Ensuite viennent les notions de liberté de choix laissée aux convives, la variété des plats servis ainsi que leur goût et texture.
Le repas végétarien moins cher mais…
Avec encore une fois les réserves liées à la représentativité de l’évaluation, l’analyse des coûts donne un léger avantage au repas végétarien (1,55€ le repas contre 1,68€), ce que corroborent d’autres analyses. Mais la tentation de recourir à des produits végétaux transformés plus chers que des préparations faites maison à base de légumes ou légumineuses peut conduire à la stabilité des coûts, tout en faisant le jeu des produits ultra-transformés au mépris des recommandations d’ordre sanitaire et nutritionnel. En cause : le manque de moyens, en matériel et/ou en personnel. « L’organisation d’une option « menu végétarien » quotidienne respectant l’ensemble des recommandations scientifiques et réglementaires est un exercice difficile, lit-on dans le rapport. La préparation de plats végétariens « fait maison » nécessite également plus de personnels formés mais aussi du matériel ».
Former les personnels, informer les convives
Tout en relevant que la formation, tant initiale que continue, intègre désormais des modules dédiés à la cuisine végétarienne et au développement durable, le rapport insiste sur le fait que le démarche doit concerner la totalité du personnel en cuisine mais aussi ceux en charge du service ou encore les animateurs. « Les structures importantes qui ont pu développer une augmentation de la fréquence des menus végétariens dans leur restauration collective ont réalisé des investissements tant en ressources humaines qu’en équipement, voire en locaux mieux adaptés. Souvent des nutritionnistes – diététiciens sont recrutés, ou tout du moins sollicité(e)s, pour assurer la supervision de l’élaboration ». Le rapport recommande ainsi de poursuivre et renforcer l’effort de formation de l’ensemble des agents territoriaux ainsi que l’accompagnement pédagogique des élèves et l’information des parents d’élèves et des convives.
Le temps de la digestion
Parmi les autres recommandations, le rapport pointe la nécessité d’actualiser l’arrêté ministériel du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnel des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire au regard des nouvelles règlementation et avis scientifiques parus, afin de rassurer les responsables de restaurants collectifs. Il attend également que le Conseil national de la restauration collective (CNRC) comble une lacune, à savoir l’édition d’un guide explicatif pour faciliter le déploiement d’une offre quotidienne de menu végétarien, en complément de la plateforme numérique gouvernementale « Ma Cantine ». Après tout, l’Association des maires de France n’a-t-elle pas relevé, dans un récent rapport, que 90% des communes et EPCI gestionnaires se conformaient à la loi, en proposant effectivement un choix de menu végétarien ? « Il convient de laisser le temps aux collectivités territoriales de « digérer » l’ensemble de ce corpus réglementaire qu’impose le menu végétarien, conclut le rapport. Il serait ainsi judicieux de reconduire cette évaluation d’ici quelques mois ou années lorsque les évolutions demandées et les contraintes engendrées seront mieux assimilées et surmontées par tous ».
(*) Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux
(**) Inspection générale de l’environnement et du développement durable