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Mercredi 29/10/2025

Alternatives aux néonicotinoïdes : les recommandations spécifiques et transverses de l’INRAE

Mandaté par le ministère de l’Agriculture en plein débat sur l’acétamipride, l’INRAE formule une série de recommandations ciblant la betterave sucrière, le pommier, le cerisier, la noisette et le figuier. Et pousse à la reconception de la lutte, en misant sur la prophylaxie, le biocontrôle et la lutte combinatoire, en misant sur coordination des acteurs et des approches territoriales.

En mai dernier, alors que les débats s’enflamment autour la proposition de loi anti-entraves Duplomb-Menonville, et notamment son article 2 réintroduisant à titre dérogatoire et sous conditions l’usage de l’acétamipride, au final rejeté par le Conseil constitutionnel, le ministère de l’Agriculture mandate l’INRAE pour identifier les situations d’impasses phytosanitaire que seraient susceptibles de lever des insecticides de la famille des néonicotinoïdes, tels que l’acétamipride et le flupyradiflurone. Sont ciblées cinq filières en situation critique : la betterave sucrière, le pommier, le cerisier, la noisette et le figuier, le navet ayant été retiré de la liste originelle car considéré comme non problématique.

"La transition n'est pas achevée et l'enjeu actuel est de la réussir en maintenant leur compétitivité et leur productivité"

L’INRAE fait le constat que ces filières sont fragilisées par le manque de solutions opérationnelles et disponibles pour la protection contre certains ravageurs, mais à des degrés divers et sans se trouver dans la même urgence temporelle. Ces filières sont toutes engagées dans une démarche active de développement d'itinéraires de protection alternatifs, sous la pression des retraits de matières actives mais avec le soutien de la recherche et de plans d'actions mis en œuvre par les pouvoirs publics (PARSADA, PRAAM). Pour autant, cette transition n'est pas achevée et l'enjeu actuel est de la réussir en maintenant leur compétitivité et leur productivité.

Pucerons de la betterave : Movento et Teppeki, en attendant la lutte combinatoire

Les experts insistent sur le fait que prophylaxie, épidémiosurveillance et stratégies combinatoires sont des conditions indispensables au développement d’une protection alternative aux néonicotinoïdes et aux produits de synthèse en général, en attendant le renfort de variétés résistantes. Une simple substitution par des produits de biocontrôle ne suffira pas. L’INRAE estime que des références techniques pour de véritables stratégies combinatoires doivent être élaborées puis proposées aux agriculteurs, en s’appuyant notamment sur le réseau de fermes pilotes d'expérimentation développé dans le cadre du PNRI. Tant que les alternatives ne sont pas pleinement opérationnelles et maîtrisées par les producteurs, un accès à deux produits phytopharmaceutiques semble incontournable afin de pouvoir réaliser des alternances de traitement et éviter l’apparition de résistances dans les populations de ravageurs : le Movento (spirotetramate) et le Teppeki (flonicamide), en attendant l’Axalion, identifié comme candidat à l’homologation.

Pucerons et anthonome du pommier : sécuriser un socle de produits efficaces

Le panel de leviers effectivement disponibles pour la protection du verger reste à ce jour incomplet et des itinéraires de protection durablement efficaces doivent être construits sur la base d’approches systémiques pour proposer aux producteurs des références solides de stratégies combinatoire. En attendant, pour sécuriser la production de pomme sans usage de néonicotinoïdes et en limitant le recours aux pesticides de synthèse, il est indispensable de favoriser l’accès à un panel suffisant de produits et méthodes de biocontrôle et d’adapter les périodes d’application aux points stratégiques du cycle du puceron, notamment la fondation des colonies. La sécurisation réglementaire d’un socle de produits de traitement efficaces (de synthèse ou de biocontrôle) est nécessaire à court terme. L’INRAE relève que l’usage renforcé des pyréthrinoïdes, de plus en plus utilisés pour compléter les programmes de protection, représente un recul sur le plan environnemental car ces produits éliminent la faune auxiliaire s’ils sont employés trop fréquemment.

Mouches du cerisier : sécuriser l’existant, accélérer sur les alternatives

Pour l’INRAE, la reconstruction d’une stratégie efficace de protection, qui n’est pas à ce jour réalisée, repose sur plusieurs pratiques alternatives à développer : filets de protection, lutte biologique (auxiliaire Ganaspis kimorum et technique de l’insecte stérile dans une approche territoriale), approche combinatoire. L’institut de recherche juge nécessaire d’accompagner et d’accélérer la mise en pratique des méthodes de protection alternatives issues de la recherche mais aussi de sécuriser les producteurs sur l’accès aux produits de protection efficaces, qui ne sont actuellement autorisés que sous dérogation annuelle ou sont en passe de disparaître.

Punaises et coléoptères de la noisette : la lutte chimique, toujours le seul levier efficace

Les experts recommandent d’associer des systèmes de protection combinatoires à l’échelle de la parcelle avec un programme ambitieux de déploiement de la lutte biologique à l’échelle des territoires, en mobilisant toutes les filières concernées. Et de citer le recours à des parasitoïdes, les plantes pièges en périphérie des vergers, les médiateurs chimiques, les chrysopes, les acariens prédateurs, la pose de filets périphériques… cependant, Aucune de ces approches n'est encore opérationnelle à ce jour. Elles doivent faire l’objet de programmes de R&D et d’une construction d’approches combinatoires qui puissent faire référence pour les producteurs. En attendant, la lutte chimique reste pour le moment le seul levier efficace, mais qui repose sur un usage déraisonnable des pyréthrinoïdes. C’est ce qui conduit la filière à demander une dérogation pour l’utilisation de l’acétamipride pendant une période transitoire.

Mouches du figuier : surveiller la résistance à la deltaméthrine, en attendant

Selon l’INRAE, les travaux en R&D sur les solutions de biocontrôle et de lutte biologique, bien adaptées à une production arboricole en petites parcelles, doivent se poursuivre et se renforcer, en bénéficiant des synergies possibles avec des filières proches. En attendant, la dépendance à un seul produit pyréthrinoïde fait peser un risque fort d’apparition de résistance, L’INRAE recommande de surveiller les populations de Silba adipata et de diversifier l’offre de produits de traitement, pénalisée par le faible investissement des firmes.

Les recommandations transverses de l’INRAE

- développer et systématiser les approches de prophylaxie, afin de diminuer les pressions de ravageurs. Des actions prophylactiques sont identifiées mais leur mise en œuvre doit être accompagnée et facilitée, y compris sur le plan réglementaire.

- développer des approches territoriales et interfilières, pour la lu0e biologique, la technique de l'insecte stérile, et la prophylaxie. La dimension interfilières est déterminante dans le cas des insectes polyphages, une culture pouvant être réservoir pour une autre.

- construire des itinéraires de protec:on avec les intituts techniques, basés sur des approches combinatoires, intégrant l'ensemble des leviers disponibles aux différentes échelles d'action, qui soient des références fiables pour les agriculteurs. Les réseaux d'essais et les démonstrateurs ont un rôle stratégique à jouer pour cela. Il est également indispensable de développer une épidémiosurveillance de bonne précision, pour améliorer le positionnement des applications et si besoin pour accompagner les autorisations d'usage.

- traiter les questions relatives à la réglementation pour donner de la visibilité à ces filières qui dépendent toutes à des degrés divers (et totalement dans le cas de la cerise) de dérogations annuelles pour assurer la protection de leurs cultures.

- faciliter le développement du biocontrôle et favoriser les pratiques vertueuses, à la fois dans la dimension technique et dans la dimension réglementaire. La question de l'homologation des mélanges de produits ou d'organismes est par exemple un sujet essentiel à traiter.

- la prise de risque, qui repose principalement sur l'agriculteur, doit pouvoir être mieux prise en compte, par exemple par la mise en place de stratégies assurancielles. Des transformations essentielles sont en cours, avec la constitution d'approches combinatoires de référence, le développement du biocontrôle et la généralisation de la prophylaxie. Il sera nécessaire de me0re en place une coordination des acteurs pour développer des approches territoriales. Ces transformations doivent être soutenues et finalisées afin que les filières disposent d'alternatives assurant une maîtrise phytosanitaire effective, dans des conditions techniquement et économiquement viables.