Téléchargez la nouvelle application Pleinchamp !

Bio : La Coopération Agricole attend un « cap » de l’Etat

[Tech & Bio 2025] Si la Coopération agricole ne ménage pas ses efforts pour maintenir à flot ses adhérents bio déstabilisés par la baisse de la demande, elle attend de l’Etat des engagements en matière de soutien à l’investissement et à la consommation, via notamment le renforcement de la loi Egalim et des campagnes de communication. Ce qu’elle a consigné dans un manifeste lancé à Tech & Bio.

« On n’attend pas tout de l’Etat ». Pas tout mais... « On n’aurait pas la crise actuelle si on avait atteint l’objectif de 20% de produits bio inscrit dans la loi Egalim, a affirmé Jérôme Caillé, président de la Commission bio à La Coopération Agricole (LCA), à l’occasion de la présentation, au salon Tech & Bio, d’un manifeste « pour la résilience des filières de l’agriculture biologique ».  

"Ce qui va mal, ce n’est pas l’acte de produire, mais la partie vente "

Poursuivant : « Or les coopératives ont investi dans des outils de transformation, dans les filières pour répondre à l’objectif. C’est un bel exemple de contractualisation qui n’a pas marché parce que l’Etat, dans ses cantines, n’a pas respecté la règle. Et même si on pourrait encourager la restauration privée à faire de même, à partir du moment où l’Etat n’a pas rempli sa part du contrat, elle nous dit que ce n’est pas possible dans le contexte actuel. Ce qui va mal, ce n’est pas l’acte de produire, mais la partie vente », a martelé Jérôme Caillé, rappelant que dans les départements, « plus de 50% des installations » sont motivées par la bio, un chiffre qui monte à « 70% » dans les Pays de Loire. « Sauf qu’il n’y a pas le marché ».

Des signes de reprise…

Et pourtant, au cours de cette même édition de Tech & Bio, 10ème du nom et dont la filière n’a pas oublié que celle de 2017 servit de cadre l’annonce programmée de la fin l’aide au maintien par le ministre de l’Agriculture d’alors Stéphane Travert, l’Agence bio, rudoyée par la proposition de loi Duplomb-Menonville avant d’être désargentée par le gouvernement Bayrou et privée de stand de Salon de l’agriculture, a communiqué des chiffres de consommation plutôt engageants, inédits depuis 2022. Ainsi, les ventes de produits bio en GMS généraliste ont progressé de 1,4% au cours du 1er semestre 2025 (contre -5% au 1er semestre 2024),« le premier semestre positif depuis 2021 ». L’Agence mentionne par ailleurs une hausse de 6,2% dans les magasins spécialisés (contre +8,4% au S1 2024), de 8,8% en vente directe (contre +3% au S1 2024) et de 1,4% chez les artisans-commerçants (contre 0% au S1 2024). Au global, la consommation de bio à domicile a enregistré un rebond de 4,1% en rythme annuel. Pour mémoire, en 2024, le marché de la consommation à domicile avait progressé de 0,8% à 12,2 milliards d’euros.

… tout relatifs

Un optimisme aussitôt réfréné Jérôme Caillé. « C’est encore prématuré de parler d’une reprise car c’est un redémarrage en valeur pour la plupart des produits. En porc et en volaille, on a encore des éleveurs qui ne tournent pas à 100% de leur capacité. En grandes culture, on a beaucoup de surfaces implantées en légumineuses fourragères parce que les prix ne sont pas là et la consommation n’est pas tirée par la production animale qui assure la moitié des débouchés. En viande bovine, c’est différent. Beaucoup de bovins partent en conventionnel car le conventionnel tire fortement le prix vers le haut. Pour les œufs, quand le rayon est vide, les clients peuvent se retourner sur les œufs bio ». D’où le manifeste de LCA, qui pointe au passage la résilience du système coopératif avec la stabilisation du nombre d’opérateurs certifiés bio, soit 800, comme en 2023, sur un total de 2100, totalisant 30.000 producteurs, soit un agriculteur bio sur deux.

A Tech & Bio, Martial Guerre, responsable valorisation céréales à la Coopérative Drômoise de Céréales (Drôme) est venu témoigner du fait que les coopératives « n’attendaient pas tout de l’Etat », évoquant notamment l’instauration de contrats triennaux et tripartites, voire quadripartites (avec un deuxième transformateur sinon un distributeur) pour « donner de la visibilité aux producteurs », dans les filières tournesol et blé dur par exemple. « Pour gérer nos excédents de production sur nos marchés traditionnels locaux, on a est allé trouver des débouchés à l’export. On a également mobilisé nos adhérents pour communiquer auprès du grand public, notamment en grande distribution ».

Dans l’attente d’un « cap »

L’incitation à la contractualisation, l’export, la communication font partie des 10 propositions inscrites dans le manifeste « pour la résilience des filières de l’agriculture biologique », aux côtés « d’outils d’obligation ou d’incitation à l’atteinte des 20% de bio » en restauration collective ou encore du soutien aux investissements dans les outils industriels adaptés au bio, que le gouvernement Bayrou a également rogné avec l’amputation du Fonds Avenir Bio. « Dès lors que ce fonds est moribond, il faut absolument que la bio puisse émarger aux autres guichets d’aide à l’investissement » plaide Bastien Fitoussi, responsable filières biologiques à LCA.

"On n’attend pas tout de l’Etat mais on ne peut pas se débrouiller tout seul. Il faut la jouer collectif"

La Coopération Agricole attend aussi que l’Etat crève l’abcès de l’objectif du PSN fixant 21% de SAU bio en 2030, « qui ne pourra pas être atteint au vu de la tendance. (…) Les hypothèses alternatives sont à construire avec les professionnels et les pouvoirs publics en fonction des moyens accordés à la filière pour assurer son développement. L’atteinte de cet objectif est conditionnée à une reprise des marchés bio et à une politique de soutien à la hauteur des enjeux. Les plans d’urgence accordés et les récentes orientations budgétaires s’avèrent insuffisants pour inverser la tendance », lit-on dans le manifeste. « Les coopératives croient vraiment en la bio et le démontrent par leurs investissements, a conclu Jérôme Caillé. La bio est une source d’innovation, un atout économique et environnemental majeur. On n’attend pas tout de l’Etat mais on ne peut pas se débrouiller tout seul. Il faut la jouer collectif ».