Franck Menonville, sénateur : « Notre PPL ne vise qu’à faire tomber des contraintes franco-françaises pour s’aligner sur le champ du possible de l’UE »

Co-auteur de la proposition de loi « anti-entraves », l’agriculteur-sénateur (UDI) de la Meuse estime qu’au-delà du signal envoyé aux agriculteurs et du totem que représente l’acétamipride, l’issue du vote dira beaucoup de la capacité de la France à défendre sa compétitivité et sa souveraineté dans tous les secteurs de l’économie.

La Proposition de loi (PPL) visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur sera examinée en séance plénière à l’Assemblée nationale à partir du 26 mai. Les débats promettent d’être moins consensuels qu’au Sénat, comme les travaux en commission l’ont laissé entrevoir. A telle enseigne que la FNSEA et les JA sonnent la mobilisation, dénonçant une PPL « contraintes » en lieu et place d’une PPL « anti-entraves ». Franck Menonville (UDI), co-auteur de la PPL avec Laurent Duplomb (LR), appelle les députés au « courage » et à la « raison ».

Reconnaissez-vous vos « petits » dans le texte issu du passage en commission à l’Assemblée nationale ?

Franck Menonville : pas tout à fait, même si la commission des affaires économiques est allée dans le sens du texte adopté au Sénat, que la Commission du développement durable a tenté de déstructurer et de rendre inopérant.

L’acétamipride : passera ou passera pas ?

F.M. : l’acétamipride est autorisée dans tous les pays de l’Union européenne jusqu’en 2033 parce que l’EFSA (*), des scientifiques, ont évalué sa dangerosité et la neutralité de ses atteintes en matière d’environnement, dans les conditions d’homologation au niveau européen. Je précise que notre PPL ne s’aligne même pas sur le droit européen puisqu’elle se réduit à des dérogations sur des filières aux prises à des impasses, et pour une durée limitée à trois ans.

Que répondez-vous aux procès en « combat d’arrière-garde » et en « recul environnemental » dont est accusée votre PPL ?

F.M. : notre PPL ne vise qu’une seule chose : faire tomber des contraintes franco-françaises pour s’aligner sur le champ du possible de l’Union européenne. Le problème, c’est que nous sommes dans une ère de la désinformation, avec des courants écologistes, gauchistes, qui ont infiltré, infusé, et des médias qui font du militantisme. Laurent Duplomd, Daniel Grémillet et moi-même ne sommes pas les « acteurs d’une dérive trumpiste de la majorité sénatoriale » comme je peux le lire ici ou là. C’est déraisonnable.

La raison n’est pas forcément l’apanage des parlementaires si l’on songe au tir de barrage de certains et à la tiédeur d’autres ?

F.M. : j’attends une réaction des forces vives de l’Assemblée nationale. Est-ce que nous voulons que notre agriculture puisse concourir avec les mêmes chances, les mêmes atouts que l’ensemble des autres ou veut-t-on la mort de nos filières et importer sans contrainte, comme par exemple des noisettes turques traitées avec des produits interdits en France depuis 20 ou 30 ans comme les CMR1 et les CMR2. Evitons les postures idéologiques.

Quel est votre pronostic sur l’issue de la PPL ?

F.M. : au Sénat on a du courage. Notre texte a été voté par Les Républicains, l’Union centriste, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants [Ex-LREM] et une partie du Rassemblement démocratique et social européen. Si on avait la même cohérence à l’Assemblée nationale, on irait du RN à Liot en passant Ensemble pour la République. Mais si les députés des mêmes familles politiques qu’au Sénat n’ont pas le même positionnement et les mêmes choix et s’ils ne font pas preuve de courage politique…

Quelle est la position de l’exécutif sur votre PPL ?

F.M. : au Salon de l’agriculture, en européen convaincu et considérant que notre loi relevait d’une convergence européenne, François Bayrou nous a dit « banco ». Gabriel Attal, ancien Premier ministre, président du groupe Ensemble pour la République à l’Assemblée, m’a dit à plusieurs reprises qu’il était favorable au texte. Lundi [19 mai], en amont du Sommet Choose France, le président de la République vient ici dans la Meuse à Ligny-en-Barrois saluer l’investissement de l’entreprise allemande Daimler Buses dans la modernisation et l’extension de son usine de bus hybrides. Je lui dirai qu’il est important que l’ensemble des députés su Socle commun soutiennent notre PPL.

Y aura-t-il un « avant » et un « après » la PPL ?

F.M. : si l’on ne parvient pas à adopter notre PPL, cela altérera beaucoup la confiance des agriculteurs mais aussi la confiance dans le discours politique en général, qui aujourd’hui dit qu’il faut simplifier, donner de la compétitivité, réindustrialiser. Ce que je défends pour l’agriculture avec Laurent Duplomb, je le défends également dans l’industrie, dans l’énergie, dans toute l’économie Ça commence avec la PPL, et pas au nom de Duplomb et de Menonville mais au nom des agriculteurs et de la compétitivité de l’agriculture française.

(*) Autorité européenne de sécurité des aliments