L’irrigation plus que jamais sous pression

Après l’annulation par la justice de 15 projets de réserves de substitution en Poitou-Charentes, le gouvernement envisage, dans le cadre du Projet de loi de finances 2024, d’augmenter la redevance pour le prélèvement d’eau pour l’irrigation. Pour les Irrigants de France, la coupe est pleine.

Sale temps pour l’irrigation. Alors que l’été indien n’en finit pas, égrenant chaque jour ou presque un ou plusieurs records météorologiques, l’irrigation, un des leviers d’adaptation au changement climatiques pour ses défenseurs, de « mal-adaptation » pour ses détracteurs, vient de subir deux coups de butoir.

Le 2 octobre, le tribunal administratif de Poitiers (Vienne) a annulé deux arrêtés préfectoraux autorisant la création et l’exploitation de quinze réserves de substitution dans trois départements (Charente, Deux-Sèvres, Vienne), d’un volume cumulé de 3,1 millions de mètres cubes. Motifs ? « Surdimensionnement du projet et au regard du contexte hydrologique local et des effets prévisibles du changement climatique », pour six réserves. Même jugement pour les neuf autres réserves, avec en prime l’absence « de réelles mesures d’économies d’eau ». « C’est proprement indécent et insupportable, a réagi Eric Frétillère, président des irrigants de France. Les agriculteurs concernés étaient allés très loin dans leurs engagements pour mettre en place ces réserves de substitution, qui avaient franchi toutes les étapes réglementaires et qui sont mises à mal par l’exploitation d’un biais juridique par deux associations militantes. On ne lâchera pas ».

Sur le terrain politique cette fois, et dans le cadre du Projet de loi de finances 2024, le gouvernement envisage d’augmenter la redevance pour le prélèvement d’eau pour l’irrigation en vue de renforcer « le signal-prix associé à la raréfaction de l’eau ». En outre, le projet de loi « incitera au comptage réel des volumes prélevés, traduisant ainsi l’objectif du Plan eau de mieux piloter la ressource ». « Dans le Plan eau en question, l’Etat avait annoncé des enveloppes assez conséquentes pour l’agriculture, pour l’irrigation et faire éventuellement du stockage, indique Eric Frétillère. Quelques mois plus tard, et on découvre que les enveloppes, c’est nous agriculteurs qui allons les financer alors que nous subissons déjà l’explosion de nos coûts de production, et notamment énergétiques. Qu’est-ce qui nous assure que ces redevances vont financer nos projets, quand ces derniers ne sont pas retoqués par la justice ? On tombe par terre ».

Irrigants de France, évoque « une multiplication par 12,5 du coût de la redevance pour les agriculteurs », notamment dans le périmètre des Agences de l’eau Rhône Méditerranée Corse et Adour Garonne. « Les autres Agences de l’eau vont suivre », prédit Eric Frétillère.

Avec l’exclusion du sujet du stockage de l’eau du champ de la PLOA, comme l’a révélé Agra en début de semaine, les nuages s’accumulent sur l’irrigation. « En première ligne face au changement climatique et aux prises avec une explosion des coûts de production, les agriculteurs ne s’en sortent pas. Si en plus on n’a pas accès à l’eau. Il va falloir faire des choix : changement climatique et sécurité alimentaire, c’est des enjeux majeurs », rappelle le président des Irrigants de France, face à un gouvernement qui, sur le sujet de l’eau, semble bégayer pour ne pas pagayer à vue.