L’Occitanie se dote d’une foncière au service de l’installation de nouveaux agriculteurs

A l’initiative de la Région Occitanie et portée par 13 actionnaires, la Foncière agricole d’Occitanie dispose d’une première capitalisation de 1,6 million d’euros pour soutenir l’installation de nouveaux projets ne bouclant pas leur financement, en assurant le portage foncier sur 4 à 9 ans. La priorité est donnée aux projets d’agriculture durable, portés par des hors-cadre ou des Nima, mais pas exclusivement.

Avec 41% des chefs d’exploitation âgés de plus de 55 ans et 30% de la SAU, soit 1 million d’ha, amené à changer de main dans les 10 ans à venir, l’Occitanie n’échappe pas au défi générationnel, pour ne pas dire existentiel, du secteur agricole. Dans le cadre de sa politique de soutien au développement économique agricole, la Région a souhaité répondre aux questions d’accès au foncier. Elle l’a fait en créant en 2022 la Foncière agricole d’Occitanie, une SAS dédiée à l’acquisition et au portage.  « L’objectif est de rendre possibles des installations qui ne le seraient pas sans le portage foncier », explique Emmanuelle Laganier, responsable aménagement et foncier agricole à l’Agence régionale d’aménagement et de construction (ARAC), société d’économie mixte dont l’actionnaire principal est la Région Occitanie.

"L’idée est de les aider à passer la période difficile de l’installation et de leur permettre de commencer à rembourser d’autres emprunts que ceux liés au foncier"

En 2021, la Région Occitanie avait validé le concept auprès d’une dizaine de porteurs de projet avant de créer la Foncière et d’y associer la SAFER, les OPA régionales (Chambre d’agriculture, La coopération agricole, JA) et les réseaux bancaires (dont les cinq caisses régionales du Crédit agricole). « L’idée, est de les aider à passer la période difficile de l’installation et de leur permettre de commencer à rembourser d’autres emprunts que ceux liés au foncier », poursuit Emmanuelle Laganier.

Repérage des zones à enjeu du point de vue de la maitrise du foncier (Source : MSA / Ceresco)
Repérage des zones à enjeu du point de vue de la maitrise du foncier (Source : MSA / Ceresco)

Entre autres critères d’éligibilité, outre le verrou bancaire, le candidat doit disposer d’une étude économique validée, ou en cours de validation, par un prescripteur (Chambre d’agriculture, ADDEAR, Terre Vivante...). Cela inclut de fait les prérequis en matière de formation et/ou de compétences. « Vis-à-vis des actionnaires, la Foncière a le devoir de sécuriser le projet », indique la responsable.

Un rapport du CGAAER recommande de renforcer l’attractivité du statut du fermage pour les propriétaires-bailleurs tout en ménageant, dans un souci d’équilibre et de manière indissociable, des contreparties aux preneurs. Il appelle également à créer un observatoire national du foncier, indépendant, destiné à combler l’insuffisance de données.

Exemple d’ingénieure financière mise en place par la Foncière agricole d’Occitanie (Source : Foncière agricole d’Occitanie)
Exemple d’ingénieure financière mise en place par la Foncière agricole d’Occitanie (Source : Foncière agricole d’Occitanie)

Sur ces bases, la Foncière se porte candidate à l’acquisition du foncier identifié auprès de la Safer, avant de lui en confier en retour la gestion du bail, durant toute la durée du portage, comprise entre 4 et 9 ans. « Le porteur de projet ne paie rien au départ, précise Emmanuelle Laganier. Durant toute la durée du portage, il acquitte une redevance de bail auprès de la Safer dont le montant dépend des arrêtés départementaux et du type de foncier ».

"Le candidat supporte une épargne annuelle équivalent à 0,5% du prix du foncier, qui lui est reversée en fin de portage, dans l’idée de lui rappeler qu’il devra bien acquérir le foncier"

L’agriculteur supporte également une redevance foncière, correspondant aux frais d’acquisition initiaux et incluant des frais de portage, payés en partie annuellement et au terme du portage, et compris au maximum, selon la durée et le montant du portage, entre 9% et 17% du prix d’acquisition du foncier. « Les frais de portage ont été calculés au plus juste, précise Emmanuelle Laganier. La Foncière porte une mission d’intérêt général. Avec un retour sur investissement de 1,25%, son objectif n’est pas de gagner de l’argent mais de ne pas en perdre non plus ».

A la redevance de bail et à la redevance foncière s’ajoute enfin un mécanisme d’épargne. « Le candidat supporte une épargne annuelle équivalent à 0,5% du prix du foncier, qui lui est reversée en fin de portage, dans l’idée de lui rappeler qu’il devra bien acquérir le foncier », indique Emmanuelle Laganier.

Les deux vertus du portage foncier

En différant l’investissement dans le foncier, le portage permet de diminuer le taux d’endettement et de débloquer potentiellement un projet d’installation. Second avantage : en fin de portage, le prix auquel l’agriculteur achète le foncier est strictement identique à celui payé à l’origine par la Foncière, ce qui permet de déjouer d’éventuels phénomènes d’inflation. « C’est un choix revendiqué haut et fort par la Région Occitanie, souligne Emmanuelle Laganier. Quand un porteur de projet se présente avec un projet d’achat n’impliquant pas la Safer, nous procédons à une expertise du prix. La Foncière a un devoir d’exemplarité qui lui interdit d’acheter des terres plus chères que le prix de marché ».

"La Foncière peut permettre d’anticiper l’installation de la nouvelle génération, sans endetter davantage la structure familiale"

La durée du portage opéré par la Foncière est comprise entre 4 et 9 ans et plafonnée à 150.000 euros, dont 50.000 euros de bâti, et à la condition qu’il soit indispensable à l’exercice de l’activité. La limite d’âge du porteur de projet est fixée à 45 ans, ce qui induit potentiellement une amorce de remboursement du foncier passés les 54 ans dans le cas d’un portage de 9 ans.

La Région a donné priorité aux projets d’agriculture durable, portés par des hors-cadre familiaux ou des Non issus du milieu agricole (Nima), mais pas exclusivement. « La Foncière peut permettre d’anticiper l’installation de la nouvelle génération, via un nouvel atelier par exemple, sans endetter davantage la structure familiale », explique Emmanuelle Laganier.

Le Foncière agricole d’Occitanie dispose d’une première capitalisation de 1,6 million d’euros, susceptible de financer une vingtaine de projets. Un second appel de fonds pourrait suivre avant que le mécanisme s’autoalimente sous l’effet des premières reventes de foncier aux porteurs de projet. Pionnière, la Région Occitanie pourrait inspirer d’autres collectivités à travers la France.