La fertilisation issue du recyclage, une alternative durablement minoritaire

Selon une étude commanditée par le ministère de l’Agriculture, le taux de couverture de la fertilisation azotée à partir de matières d’origine résiduaire (Mafor) pourrait demeurer sous la barre des 20% à l’horizon 2035. La collecte accrue d’effluents industriels et urbains ne compensera pas la baisse du cheptel, gisement essentiel.

Fientes, fumiers, lisiers, boues d’épuration, composts de déchets organiques, digestats de déchets organiques, cendre de biomasse... tel est l’éventail des Matières fertilisantes d’origine résiduaire (Mafor). Brutes ou transformées, ces matières constituent des matières fertilisantes assurant la nutrition des plantes et améliorant les propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols. Elles permettent de réduire l’usage de ressources fossiles (azote) et minières (phosphore, potasse...), non renouvelables, en compensant les éléments en partie exportés dans les récoltes.

Selon une étude réalisée par le cabinet I Care & Consult pour le compte du ministère de l’Agriculture, l’ensemble des Mafor produites en France représente 729 millions de tonnes de matières brutes par an (2018), dont 94% d’effluents d’élevage, le solde étant fourni par les boues et effluents industriels, boues de stations d’épuration urbaines, déchets ménagers et assimilés.

Les Mafor couvrent 20% des besoins azotés des plantes

Selon l’Observatoire national de la fertilisation minérale et organique, la fertilisation organique représente 36% de la fertilisation totale. S’agissant de l’azote, les effluents représentent une quote-part de 23% (contre 74% pour les engrais minéraux). En intégrant les pertes par lessivage et volatilisation au champ, et des apports d’azote non issus de la fertilisation (résidus de culture, fixation symbiotique et dépôt d’azote atmosphérique) l’étude estime à 20% la contribution des Mafor à la fertilisation azotée des plantes. S’agissant du phosphore et de la potasse, les effluents représentent une quote-part respective de 42% (contre 47% pour les engrais minéraux) et 64% (contre 30% pour les engrais minéraux).

Trois scénarios aux conclusions similaires

Afin de jauger l’évolution de la fertilisation issue du recyclage à l’horizon 2035, l’étude s’est appuyée sur trois scénarios prospectifs explorant différentes hypothèses d’évolution des systèmes agricoles et alimentaires et de potentiels de mobilisation des Mafor. Résultats : dans les trois cas, le taux de fertilisation à partir des Mafor diminue et passe sous les 20%. La cause principale de cet effet est dû au fait qu’ils intègrent tous les trois une forte diminution du cheptel. Les lisiers et fumiers produits représentent des gisements si importants que même une diminution du besoin en azote des plantes (sobriété locale) ou une collecte accrue des effluents industriels et urbains (transition ambitieuse), permise notamment par le tri à la source obligatoire des biodéchets à compter de 2024, ne les compensent pas.

Des déséquilibres territoriaux

Au-delà des considérations quantitatives, la répartition inégale de la production des Mafor sur le territoire français constitue un frein à l’utilisation de ces matières, relève l’étude. La concentration de l’élevage dans certaines régions, dont les effluents sont peu transportables, entraîne une polarisation du gisement. De même, les villes constituent des gisements localisés de Mafor, principalement utilisables par l’agriculture périurbaine. Ces concentrations de populations animales et humaines mobilisent des aliments qui ne sont pas produits sur place, et l’épandage localisé de leurs déjections ne permet donc pas de restituer l’azote utilisé dans les régions productrices de ces aliments, et ainsi d’en boucler le cycle.

Des recommandations et un questionnement sur la bio

L’étude formule les recommandations suivantes : améliorer les pratiques d’épandage afin de réduire les pertes et d’augmenter la disponibilité des nutriments pour les plantes, développer la collecte séparée d’urines, maintenir les filières d’élevage couplées à des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement (élevage à l’herbe, extensif...), orienter la consommation française vers de la viande française, poursuivre le développement des filières de légumineuses, généraliser le tri à la source des biodéchets, développer les filières de compostage et de méthanisation. En outre, « des études complémentaires mériteraient d’être conduites pour estimer, notamment, le besoin en Mafor de l’agriculture biologique, au regard des objectifs ambitieux de son développement ».