La FNSEA et les JA réclament un « Varenne des normes et des contrôles »

Les syndicats ont pris au mot le Premier ministre évoquant une « pyramide des normes », avec comme échéance le Salon de l’agriculture pour en fixer a minima le cadre et les premières réunions. D’ici là, ils exigent la suspension sine die des contrôles après qu’un agent de l’OFB ait assimilé les agriculteurs à des « dealers », sur l’antenne de France Inter.

« Je m’engage à ceci : pour les entreprises agricoles, comme pour les entreprises et les familles, nous remettions en question les pyramide de normes en donnant l’initiative aux usagers : ceux que l’on contrôle doivent avoir leur mot à dire sur les contrôles et s’il faut des remises en cause, nous les conduirons avec eux dans un temps bref ». C’est ce qu’a déclaré le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale le 14 janvier.

Un cadre et les premières réunions avant le Salon

La FNSEA et les JA n’ont pas tardé à saisir la « perche ». Mercredi, au cours d’une conférence de presse, les deux syndicats ont demandé à François Bayrou de mettre en œuvre un « Varenne des normes et des contrôles », une dénomination qui n’est pas sans rappeler le Varenne agricole de l’eau et du changement climatique de l'ex-ministre Julien Denormandie sous le gouvernement de Jean Castex.

"L’objectif, c’est de prendre, contrôle par contrôle, administration par administration, ce qui est faisable pour changer de logiciel "

« C’est la proposition que nous ferons par courrier aujourd’hui même au Premier ministre », a déclaré Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, espérant que le récipiendaire de la missive « valide » la proposition, rappelant que François Bayrou avait évoqué un « temps bref ». « On souhaite que le cadre et les premières rencontres aient lieu avant le Salon de l’agriculture », a précisé Arnaud Rousseau. L’objectif, c’est de prendre, contrôle par contrôle, administration par administration, ce qui est faisable pour changer de logiciel ».

Un agent de l’OFB assimile les agriculteurs à des « dealers »

La FNSEA et les JA ont rappelé qu’ils n’étaient pas opposés, par principe, aux contrôles de l’Administration, saluant notamment l’instauration du contrôle unique par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard en octobre dernier, le gouvernement de Michel Barnier honorant une promesse de celui de Gabriel Attal, au plus fort de la crise de l’hiver dernier. « Au moment où on parle de l’IA, de la data, il me semble qu’on peut faire un effort massif, a estimé Arnaud Rousseau. Mais nous ne tomberons pas dans la démagogie, qui consisterait é dire : « y a plus de contrôle, y a a plus rien voilà. On aura besoin de continuer à avoir des contrôles autour de l’utilisation de l’argent public mais on ne peut pas le faire avec du militantisme ou du parti pris, qui éclate au grand jour et que nous ne découvrons pas nous concernant, qui évidemment crée un sentiment d’injustice, de défiance qui n’est plus supportable pour les agriculteurs », a-t-il encore dit.

"Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fossés ou les points d’eau avec une arme à la ceinture, dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c’est une humiliation, et c’est donc une faute"

Le président de la FNSEA faisait allusion à la déclaration d’un représentant syndical de l’OFB le matin même sur l’antenne de France Inter, assimilant les agriculteurs à des « dealers ». « Aujourd'hui on a le sentiment que ce que veulent les agriculteurs, c'est ne plus nous voir dans leurs exploitations. C'est du même ordre que si les dealers demandaient aux policiers de ne plus venir dans les cités pour empêcher le deal », a-t-il dit précisément. L’agent de l’OFB réagissait à la déclaration de François Bayrou la veille à l’Assemblée nationale, fustigeant le port d’arme par les agents de l’OFB. « Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fossés ou les points d’eau avec une arme à la ceinture, dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c’est une humiliation, et c’est donc une faute », avait déclaré le Premier ministre. « L'humiliation c'est nous qui la subissons », a rétorqué l’agent de l’OFB sur la radio publique.

« La suspension des contrôles jusqu’à nouvel ordre »

Bien que le directeur de l’OFB se soit désolidarisé de la comparaison, la FNSEA et les JA ont jugé la comparaison « honteuse » et « insupportable ».  « C’est clairement un affront que fait l’OFB aux agricultrices et aux agriculteurs » a fulminé Pierrick Horel, président des JA. Nous demandons que plus aucun contrôle ne soit fait sur les fermes jusqu’à nouvel ordre, plus aucun agent de l’OFB sur les fermes tant qu’on n’a pas l’annonce de ce Varenne, en tout cas de cette révision du paquet normatif. Si des agents de l’OFB se permettent des sorties médiatiques de la sorte, je ne vois pas comment on va expliquer aux jeunes sur le terrain qu’il faut s’installer, qu’ils vont retrouver de la dignité quand ils sont comparés à des dealers, c’est absolument intolérable ». 

La Coordination rurale a également réagi. Dans un communiqué, sa présidente Véronique Le Floc’h a dénoncé une « analogie scandaleuse », et réitéré sa volonté de dissoudre l’OFB, à défaut d’aboutir à une « transformation radicale ».

De son côté, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a salué la « clarification » du directeur de l’OFB et remercié « le patron du principal syndicat agricole français » de ne pas appeler à la remise en cause de l’existence de l’OFB.

Publié en décembre dernier, un rapport interministériel pointait le décalage « notable » entre le ressenti des agriculteurs et la réalité numérique des contrôles, ainsi que la fréquence et le poids des sanctions. Selon ce rapport, près de 90 % des exploitations ne sont pas contrôlées dans l’année, 10% font l’objet d’un seul contrôle et environ 1% de deux contrôles ou plus. En ce qui concerne le port d’arme par les agents de l’OFB, une circulaire datant de décembre elle aussi impose aux agents de l'OFB un « port d'arme discret » lors des contrôles administratifs.

Invisibiliser mais pas désarmer

Un rapport d’information du Sénat, adopté en septembre dernier, reconnaissait que le port d’arme pouvait constituer un facteur de tension lors des contrôles, mais leurs auteurs s’opposaient catégoriquement au désarmement des agents de l’OFB, pour des motifs de légitimité et de sécurité. Ils préconisaient, sous condition, d’invisibiliser l’arme et d’user, sans sommation, de l’arme de la pédagogie sur la question de l’acceptation de la norme environnementale. Ce sera peut-être l’un des objectifs du « Varenne des normes et des contrôles », si Varenne il y a. « Le statu quo n’est plus possible », a prévenu Arnaud Rousseau. Il y a assez peu de contrôles de l’OFB, près de 3000 par an, si ça crée un tel niveau de défiance, c’est parce que ce que ce monsieur a dit ce matin au grand jour, c’est ce qu’entendent les agriculteurs dans leur ferme, c’est ça qui est ressenti, ce n’est plus tenable, il faut redonner un code d’éthique, des conditions de réalisation ».