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La loi d'orientation agricole définitivement adoptée au Parlement
Le texte reconnait le caractère « d'intérêt général majeur » de l'agriculture, acte la création du guichet unique « France Services Agriculture » et un droit d’association à l’essai, instaure un diagnostic modulaire des exploitations, dépénalise certaines infractions environnementales non intentionnelles, décrète l’accélération des décisions dans les procédures contre des projets d’ouvrage hydraulique ou des bâtiments d’élevage et pose un nouveau cadre à la haie.
Largement adopté à l'Assemblée nationale mercredi, par 369 voix contre 160, avec le soutien du camp présidentiel, de la droite, de l'alliance RN-UDR et des indépendants de Liot., mais sans les voix de la gauche qui s'est massivement opposée, le texte issu d'un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire (CMP) a conclu son parcours législatif jeudi après-midi à l'issue d'un ultime vote au Sénat, dominé par la droite et le centre et qui l'a approuvé à 236 voix contre 103. Le texte doit encore être soumis au Conseil constitutionnel avant sa promulgation par le président de la République, qui effectuera sa traditionnelle déambulation dans les allées de la plus grande ferme de France, un an après une visite d'inauguration très chahutée.
La ministre de l'Agriculture Annie Genevard a défendu à l'Assemblée « un texte très attendu » et « une réponse forte aux demandes de nos agriculteurs ». C'est un « texte nécessaire », même s'il a « perdu une partie de son ambition initiale » , ont souligné les Jeunes agriculteurs.
Constat inverse pour Cyrielle Chatelain, cheffe des députés écologistes : « on est passé d'un texte sans ambition à un texte de régression environnementale majeure », s'est-elle alarmée mercredi devant la presse parlementaire (AJP). Son groupe dénonce un texte qui ne répond pas « à la principale colère des agriculteurs : la faiblesse de leurs revenus ». « L'agriculture méritait mieux, il n'y a pas de loi d'orientation tous les quatre matins » a critiqué Aurélie Trouvé, présidente LFI de la commission des Affaires économiques.
Un « moment Trumpien ».
Dans le viseur de la gauche figure un article très irritant, nettement étendu à l'initiative du Sénat, qui révise l'échelle des peines en cas d'atteintes à l'environnement. Il prévoit une dépénalisation de ces infractions lorsqu'elles ne sont pas commises « de manière intentionnelle », au profit d'une simple amende administrative de 450 euros maximum, ou du suivi d'un stage de sensibilisation. C'est « une loi qui coupe à la tronçonneuse des protections environnementales durement acquises », a estimé Aurélie Trouvé. « En aucune manière ce texte n'accorde à nos agriculteurs je ne sais quel permis de détruire des espèces », a rétorqué la ministre. « Nous sommes face à un mur climatique, face à une falaise démographique. Sur aucun de ces deux sujets la loi n'apporte le moindre début de solution (...), a tancé Dominique Potier (PS), évoquant un « moment Trumpien ».
« Intérêt général majeur »
Une autre mesure inquiète la gauche et les écologistes, celle qui invite le gouvernement à « s'abstenir d'interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l'Union européenne » en l'absence d'alternatives viables. Une forme de traduction du principe « pas d'interdiction sans solution », mantra de la FNSEA sur les pesticides. « Il est faux d'affirmer que le Sénat a imposé ses vues », insiste le rapporteur à l'Assemblée Pascal Lecamp, défendant par exemple le retour dans le texte d'un objectif de consacrer 21% de la surface agricole au bio en 2030.
Quant à la mesure phare du texte, elle prévoit d'ériger l'agriculture au rang « d'intérêt général majeur ». L'objectif affiché est de nourrir la réflexion du juge administratif et de faciliter le parcours de projets de structures de retenues d'eau ou de bâtiments d'élevage hors-sol, lorsqu'ils sont en balance avec un objectif de préservation de l'environnement. Mais des élus et des juristes doutent de sa portée, face à une protection de l'environnement à valeur constitutionnelle. En réponse, le Sénat a introduit un principe décrié de « non-régression de la souveraineté alimentaire », sorte de miroir de la non-régression environnementale déjà consacrée, qui promet déjà une querelle juridique.
Le projet de loi éclectique prévoit aussi une simplification de la législation sur les haies, ou encore la mise en place d'un guichet unique départemental « France services agriculture » pour faciliter les installations de nouveaux agriculteurs, ou aider des agriculteurs à céder leur exploitation.
Le texte accorde aussi une présomption d'urgence en cas de contentieux autour de la construction d'une réserve d'eau pour l'irrigation, espérant réduire les délais des procédures. Et les parlementaires ont fait un pas vers un « droit à l'erreur » des agriculteurs, en approuvant le fait que « la bonne foi » est « présumée » lors d'un contrôle.