Le projet de loi d'orientation agricole adopté par le Sénat, avant une Commission mixte paritaire

Le texte reconnait le caractère « d'intérêt général majeur » de l'agriculture, acte la création du guichet unique « France Installation Transmission », instaure un diagnostic modulaire des exploitations, dépénalise certaines infractions environnementales non intentionnelles et établit une cartographie des règlementations applicables aux haies. Furibondes, les ONG attendent des correctifs de la Commission mixte paritaire, convoquée dans la foulée du vote.

Après l’interruption du parcours législatif engendrée par la dissolution de l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté mardi le Projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, par 218 voix pour et 107 voix contre. Au cours de l'examen, le Sénat a enrichi le texte de 133 amendements en commission, puis de 194 amendements en séance, visant notamment à clarifier les priorités de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire et à renforcer la portée normative de la notion, pour consacrer « l'intérêt majeur » s'attachant à l'agriculture et poser un principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire de la Nation ». Le texte entend par ailleurs rééquilibrer les décisions publiques, en lien avec la proposition de loi destinée à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », adoptée par ce même Sénat le 27 janvier dernier.

Guichet unique et diagnostic modulaire

Les sénateurs ont rebaptisé « France Installation Transmission » le guichet unique « France Service Installation », figurant à l’origine dans le projet de loi adopté par les députés en mai 2024. Le FIT sacralise le rôle des Chambres d’agriculture et instaure un « point de contact », une forme allégée du guichet, dédié aux conjoints des candidats à l’installation et à l’ensemble des actifs agricoles (salariés, techniciens). Le guichet unique a vocation à créer les conditions d'installations « viables dans le temps » avec au service de cet objectif la réalisation d’un « diagnostic de viabilité économique et de vivabilité des projets agricoles », proposé gratuitement à des périodes clés et dès lors que la déclaration d’intention de cesser l’activité agricole a été notifiée.

Dépénalisation et application circonstanciée

Le texte entend par ailleurs « passer des réflexes de (sur)administration et de sanction à une dynamique d'information et d'incitations », ce qui se formalise notamment par la dépénalisation certaines infractions environnementales non intentionnelles ou résultant d’un conflit de normes., S’agissant des haies en particulier, « pour plus de clarté et de sécurité juridique », le projet de loi instaure une cartographie des réglementations ainsi que la reconnaissance des us et coutumes sur le territoire du département, pour une application circonstanciée des règles, tenant compte notamment de la densité de haies sur un territoire donné et de son évolution passée.

CMP et compte-à-rebours avant le Salon de l’agriculture

Le texte adopté par le Sénat est désormais sur la table d’une Commission mixte paritaire, composée de 7 députés et de 7 sénateurs, aux côtés du texte adopté par l’Assemblée nationale en mai 2024. Objectif trouver un compromis entre les deux versions d’un texte sensiblement différent et si possible dans les 48 heures avec les vacances parlementaires et l’ouverture du Salon de l’agriculture, qui permettrait au président de la République de concrétiser une promesse électorale et de clore un chantier qu’il avait ouvert en septembre 2022 aux Terres de Jim, censé donner des perspectives à une profession en proie à des interrogations existentielles, passées par le révélateur de la crise agricole de l’hiver dernier. Emmanuel Macron y reconnaitra-t-il ses ambitions ?

Les ONG furibondes

Une chose est sûre, de nombreuses ONG (Collectif Nourrir, FNH, FNE, Sol…) ont dénoncé ce même jour au cours d’une conférence de presse « une fuite en avant vers la productivité et la compétitivité », au mépris des transitions agroécologique, climatique et alimentaire, voire du droit national et/ou européen, s’agissant de plusieurs articles en lien avec la dépénalisation ou de la mention « pas d’interdiction sans solution ». « L’abandon de l’objectif de 21% de SAU bio en 2030, inscrit dans la Planification écologique, est symptomatique », se désole la FNH.