Loi d'orientation agricole : le Conseil constitutionnel censure plusieurs articles clés

Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi, totalement ou partiellement, près d'un tiers des articles de la loi d'orientation agricole, dont plusieurs mesures clés censées consacrer le principe de « souveraineté alimentaire » mais aussi répondre à la colère des agriculteurs sur le poids des contrôles et des normes. « La loi d’orientation agricole va enfin entrer en vigueur » a réagi la ministre de l’Agriculture.

Cette loi, très attendue pour répondre au mouvement de colère agricole et et adoptée au pas de charge en février avant le Salon de l'agriculture, consacrait la « bonne foi » présumée des agriculteurs lors des contrôles et la présomption de « non intentionnalité » pour certaines atteintes à l'environnement. Deux dispositions également censurées. Les Sages ont toutefois maintenu la dépénalisation de certaines atteintes à l'environnement, lorsqu'elles ne sont pas commises « de manière intentionnelle », au profit d'une simple amende administrative de 450 euros maximum, ou du suivi d'un stage de sensibilisation à la protection de l'environnement.

Le Conseil constitutionnel a surtout rejeté le principe contesté de « non-régression de la souveraineté alimentaire », miroir de la non-régression environnementale déjà consacrée. Mais l'ambition centrale de la loi pour ériger « la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture » au rang d'« intérêt général majeur » et d'« intérêt fondamental de la Nation », demande de la FNSEA syndicat agricole historique, n'a elle, pas été censurée. La « non-régression de la souveraineté alimentaire » avait été ajoutée par les sénateurs mais élus et juristes doutaient de la portée du dispositif, la protection de l'environnement ayant une valeur constitutionnelle, alors que cet « intérêt général majeur » est inscrit dans une loi simple.

Dans le détail, le Conseil constitutionnel, dont c'est la première décision sur un texte de loi depuis l'arrivée de Richard Ferrand à la présidence, censure totalement 14 articles et partiellement trois articles de ce texte, après une saisine par les députés des groupes LFI et Ecologiste, selon la décision consultée par l'AFP. La question des contrôles par l'Office français de la biodiversité (OFB), police de l'environnement, est un irritant particulier pour les agriculteurs, la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, ayant même demandé sa disparition. Les Sages ont supprimé sur ce volet un principe visant à présumer la « bonne foi » des exploitants lors des contrôles.

« On ne s'arrêtera pas là »

Est aussi censurée une disposition qui prévoyait, sous certaines conditions et si elles n'engendrent pas de « concurrence déloyale », que les « normes réglementaires en matière d'agriculture ne peuvent aller au-delà des exigences minimales des normes européennes ». Cela répondait à la demande des syndicats agricoles FNSEA, JA et Coordination rurale d'arrêter la « surtransposition » des normes européennes, notamment en matière de produits phytosanitaires et de seuils pour les bâtiments d'élevage. « Mes seuls regrets sont la suppression des principes de non-régression de la souveraineté alimentaire et de non-surtransposition, car c'est aujourd'hui l'origine du mal », a déclaré à l'AFP Laurent Duplomb (LR), rapporteur de la loi au Sénat où il a très largement contribué au remaniement du texte. « Mais on ne s'arrêtera pas là », a-t-il précisé, ajoutant que « le texte final redonne tout de même un nouveau cap à notre agriculture en imprimant une nouvelle marque, en infléchissant une certaine façon de penser ». « Et comme le Conseil n'a qu'une gomme et pas de crayon, je ne peux que me satisfaire que certaines notions restent sorties du texte, comme celle d'agroécologie », ironise-t-il. Lors des débats, il craignait que l'Assemblée réintroduise le terme dans le texte.

L'exclusion des bâtiments agricoles du décompte de l'artificialisation des sols dans le cadre du dispositif "zéro artificialisation nette", maintenu par les sénateurs contre l'avis du gouvernement, a elle été censurée. L'article a été jugé « cavalier », c'est-à-dire sans lien suffisant avec le texte. Le texte prévoit aussi une simplification de la législation sur les haies et la création d'un guichet unique départemental « France services agriculture » pour faciliter les installations d'agriculteurs ou les cessions d'exploitation. Les articles concernés n'avaient pas été contestés.