Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations : les réactions de parties prenantes

Si les JA se montrent enthousiastes à l’endroit d’un projet qui les concerne au premier chef, d’autres organisations sont davantage critiques, notamment sur la question foncière et le pluralisme prétendu et dévolu au guichet unique de France services agriculture.

Le 30 novembre dernier, dans le cadre du Sitevi, les JA (et la FNSEA) s’étaient agacés de la léthargie politique et administrative à propos du Pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles, que le président de la République leur avait promis en personne sur leurs Terres (de Jim) en septembre 2022. Le 15 décembre, le ministère de l’Agriculture a dévoilé les 35 mesures du Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations, qui s’articulera autour d’une loi, présentée au Parlement en février ou mars prochain, et d’aménagements réglementaires.

Les JA ont reconnu « leurs petits » à plusieurs endroits du Pacte, comme par exemple la création de France services agriculture réunissant en un seul et même guichet l’accueil, la formation, l’installation et la transmission, « proposition phare du Rapport d’Orientation 2020 ». « Il s’agit là d’un changement important qui proposera une offre d’accompagnement plurielle pour mieux s’adapter aux besoins des futurs installés dont les profils continuent de se diversifier et accompagnera l’ensemble des futurs cédants pour que l’une des étapes les plus importantes de sa carrière soit une réussite et se couronne autant que possible par la reprise de l’exploitation par un nouvel installé », se félicitent les JA. Même satisfecit à l’endroit du diagnostic à 360° de pré-installation, proposition portée par leur livre blanc 2022.

« Tout ça pour ça », selon la CR

De son côté, la FNSEA voit dans le Pacte un texte « utile et nécessaire », même s’il « ne donne pas de cap à l’agriculture française, contrairement aux engagements initiaux » et fait l’impasse sur la problématique de compétitivité ». Le syndicat tique également sur la création d’un diagnostic de la santé des sols en cas d’achat de foncier qui, « sans périmètre précis et sans évaluation de coût, risque d’aboutir à la mise en place de nouvelles contraintes normatives à contre-sens des objectifs de simplification et d’attractivité poursuivis ».

En mode « tout ça pour ça », la Coordination rurale déplore un texte « édulcoré » et l’absence de mesures « bien concrètes » sur le manque de revenu, la pénibilité, l’astreinte, la faiblesse des retraites, autant de thèmes abordés dans une approche « romancée ». Le syndicat espère que la sécurisation juridique et l'accélération des projets de stockage de l'eau ne vont pas demeurer au stade de « paroles », estimant, à propos du « choc d’attractivité » censé réconcilier le monde agricole et les Français, que « c’est plutôt une partie de la société qui en veut aux agriculteurs, à leurs modes de production, aux bruits et aux odeurs ».

Le foncier, « grand absent »

Pour la confédération paysanne, le Pacte d'orientation agricole « accouche d’une souris » en ce qui concerne le renouvellement des générations, pointant « un grand absent » : le foncier. « Il est faux de dire que « toutes les organisations souhaitaient ne rien toucher sur le foncier », dénonce la Conf’. Au contraire, dans tous les groupes de travail, les participants ont regretté que ce sujet soit exclu, tant il est capital. Sur le foncier, la solution n'est pas le portage par des capitaux privés. Au contraire, il est indispensable de réguler, répartir et faciliter l’installation de paysans nombreux. Sinon il ne se produira aucun sursaut pour l’installation comme pour la transmission ».

En ce qui concerne le guichet unique, la Conf’ l’estime « voué à l’échec » s’il n’est pas accompagné d’une réforme profonde et immédiate des Chambres pour « garantir l’accompagnement de la grande diversité des projets, des parcours et des profils à l’installation ». Et de réclamer une évolution du mode de scrutin aux Chambres d'agriculture vers la proportionnelle intégrale, « unique garantie du pluralisme ». Le syndicat dénonce également la « fuite en avant » inhérente au projet d’ériger et de sécuriser des « méga-bassines » et le fait de livrer « un peu plus l’agriculture aux capitaux privés » via le Bachelor, les experts associés, le GFA d'investissement, la place des énergéticiens...

De son côté, le Modef juge le projet de pacte et de loi « paralysé par le libéralisme » et « pas à la hauteur des enjeux en termes d’installation agricole, du renouvellement et du changement climatique ». Le syndicat voit dans le GFA d’investissement une menace pour les Safer et réclame « une véritable politique des structures qui favorise réellement l’installation par rapport aux agrandissements ».

Du côté des organisations paysannes et citoyennes expertes de l’accompagnement à l’installation-transmission agricoles (Civam, Fadear, Fnab, Reneta, Terre de liens...), on salue « l’amélioration de la structuration du parcours, qui reconnaît officiellement la place de l'émergence de projet, comme une phase officielle des parcours », ainsi que la révision les règles de priorité en faveur des surfaces des pratiques agricoles écologiques et de l’agriculture biologique.

En revanche, elles se montrent beaucoup plus critiques à l’égard de France services agriculture, « monopolisé » par les Chambres d’agriculture, redoutant que la diversité des structures et le pluralisme dans le pilotage des instances et dans l’animation du parcours ne soient ni inscrits dans le projet de loi, ni concrètement garantis par le pacte.

Terre de liens s’inquiète en particulier de la création du GFA d'investissement, qui « ne répond pas aux difficultés d’installation agricole » mais qui « accentue la financiarisation du foncier agricole » en mettant l’accent sur « l'attractivité pour des investisseurs ». En ce qui concerne le portage foncier, le mouvement estime que l’Etat doit encourager le développement des structures s’en réclamant tout en orientant leur action vers les besoins de la société : la préservation des ressources naturelles et la souveraineté alimentaire. « Terre de Liens demande au gouvernement de veiller à ce que les fonds ou garanties publiques mobilisées pour les dispositifs de portage foncier visent l’intérêt général et non l’enrichissement des investisseurs privés, que ce soit pour le Fonds entrepreneurs du vivant ou le GFAI ».