Phytos : qu’est-ce que le HRI, l’indicateur alternatif au Nodu ?

A la différence du Nodu, l’indicateur de suivi des différents plans Ecophyto, le HRI a l’avantage de combiner les tonnages de substances actives et leurs impacts sur l’environnement et la santé. Il pourrait faire office d’indicateur de référence pour tous les Etats membres de l’UE.

« Le Plan Ecophyto, nous le mettrons à l’arrêt le temps de mettre en place à un nouvel indicateur » : c’est ce que déclarait le Premier ministre le 1er février dernier à l’occasion d’une conférence de presse qui aura eu pour effet de mettre aussi sur « pause » la crise agricole, précisant que ce travail aboutirait « d’ici au Salon de l’agriculture ».

Sans le citer, Gabriel Attal faisait référence au HRI (Harmonised risk indicator for pesticides), un indicateur que la Commission européenne suggérait d’utiliser dans le cadre de la proposition de règlement européen pour une utilisation durable des pesticides (règlement « SUR »), règlement rejeté par le Parlement européen le 22 novembre dernier et enterré par la Commission européenne le 5 février.

Le Nodu, l’indicateur de suivi des plans Ecophyto

Le Nodu d'une substance active est le rapport entre la quantité vendue (en kg) et sa dose maximale applicable (en kg/ha). A titre d’exemple, le Nodu du glyphosate était de 4,3 en 2020, ce qui signifie que cette année-là, l’équivalent de 4,3 millions d’ha ont reçu une dose pleine de glyphosate. En considérant l’ensemble des substances actives achetées cette même année 2020, le Nodu s’établissait à 88,5, hors produits de biocontrôle et traitements de semences, qui ne sont pas comptabilisés.

(Source : Stratégie Ecophyto 2030)
(Source : Stratégie Ecophyto 2030)

Le calcul du Nodu peut aussi être décliné par cibles (herbicides, fongicides, insecticides...) ou selon le classement toxicologique et écotoxicologique (CMR1, CMR2). En 2020, le Nodu des CMR1 était de 1,2 et celui des CMR2 de 16,4. 

Pour tenir compte des décalages entre achats et usages réels d’une part et des variations interannuelles dues au climat et/ou à la conjoncture, le Nodu est calculé en moyenne triennale glissante. Spécifiquement français, le Nodu est depuis 2009 l’indicateur de suivi des plans Ecophyto, qui visent à réduire de 50% l’usage des pesticides, par rapport à la période 2009-2011 caractérisée par un Nodu de 83. C’est toujours l’objectif du Plan Ecophyto 2030, en cours d'élaboration, mais avec pour référence le Nodu 2015-2017, à savoir 100,3. L’objectif est donc de viser un Nodu de 50 en 2030. Le dernier Nodu en date est relatif à l’année 2021 : il s’établissait à 85,7. En 2009, l’an 1 d’Ecophyto, il était de 82,0.

L’angle mort du Nodu

Si le Nodu évite les biais liés aux grandes différences de doses homologuées entre molécules, il ne prend pas en compte les risques induits pour l’environnement et la santé et ne discerne donc pas l’évolution des usages des substances les plus préoccupantes. « Il ne faut pas négliger le côté décourageant que peut avoir un tel indicateur, pour les producteurs qui estiment faire des efforts pour réduire les risques liés aux pesticides, relevait le député Dominique Potier dans le rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur les échecs des plans Ecophyto. Ainsi, la réduction importante des substances CMR depuis 10 ans, sous l’impulsion de la réglementation, prend soin de préciser le rapporteur, est sans effet sur l’évolution globale du Nodu. Pire, les choses pourraient même jouer parfois en sens inverse. En effet, lorsque l’on retire un produit classé CMR, très efficace pour lutter contre les bioagresseurs, pour lui substituer un produit moins agressif mais moins efficace, qu’il va falloir appliquer en quantités plus importantes, et/ou à doses répétées, cela dégrade mécaniquement l’IFT et le Nodu ».

(Source : Stratégie Ecophyto 2030)
(Source : Stratégie Ecophyto 2030)

Entre 2009 et 2021, la part des quantités de substances actives vendues classées CMR a ainsi diminué de moitié, passant de 29,2 % à 11,3 % du total. Pour les substances classées CMR1, les plus dangereuses, les ventes sont passées de 5000 tonnes en 2018 à 780 tonnes en 2021, soit une baisse de 85% sur une période de 4 ans.

La pondération incluse dans l’indicateur HRI

Promu par la Commission européenne, l’indicateur HRI correspond à la somme des quantités de substances actives vendues en année N, pondérée par les coefficients liés à leur classification en terme d’impacts pour la santé et l’environnement, à savoir :

– un coefficient 1 pour les produits peu préoccupants ou produits de biocontrôle, avec un impact sur le milieu jugé faible

– un coefficient 8 pour les produits de synthèse homologués en raison d’un impact soutenable sur le milieu, mais qui présentent plus d’incidences que les produits de biocontrôle car ils tuent

– un coefficient 16 pour les produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), qui se divisent en une classe 1, plus préoccupante, et une classe 2, sachant que les produits peuvent passer de la classe 2 à la classe 1 au fil des évaluations qui sont réalisées. S’y ajoutent les perturbateurs endocriniens, dont une grande partie sont reprotoxiques

– un coefficient 64 pour les produits autorisés à titre dérogatoire, en vertu de l’article 53 du règlement européen.

La Commission européenne propose de faire du HRI le mètre étalon des usages et des impacts des produits phytosanitaires à l’échelle de l’UE. « En matière de pilotage du recours aux pesticides, tous les pays européens ont fait preuve de créativité et, mis à part le tonnage, il n’y a pas deux pays qui aient recours aux mêmes indicateurs », relevait Christian Huyghe, directeur scientifique à l’INRAE, cité dans le rapport parlementaire sur les plans Ecophyto. C’est tout l’objet du HRI.