Pesticides au robinet (4/4) : Eau de Paris : -77% de phytos pour 4 centimes du m3 grâce au PSE

L’établissement public desservant les Parisiens a inauguré en 2020 un dispositif de protection de la ressource en amont, qui a suscité l’adhésion des agriculteurs rémunérés en conséquence pour faire évoluer leurs pratiques, avec des résultats spectaculaires et au minimum cinq fois moins coûteux pour la collectivité que le traitement curatif des eaux contaminées.

« Eau de Paris a montré qu’il est possible de mener des stratégies de protection ambitieuses dans de grandes aires d’alimentation de captages en contexte céréalier ». C’est ce qu’on peut lire dans le rapport interministériel (Agriculture, Santé, Transition écologique) publié à la mi-novembre et consacré à la problématique de la contamination par des pesticides des eaux destinées à la consommation humaine. C’est l’une des (très) rares notes positives de ce rapport qui dresse un constat inquiétant voire alarmant de la qualité de l’eau coulant à nos robinets. En 2022, 10,2 millions de Français ont été alimentés au moins une fois par une eau non conforme aux exigences réglementaires vis-à-vis des pesticides et de leurs métabolites, dont certains comme l'atrazine retirés sur marché depuis des décennies.

L’eau distribuée à Paris provient à 50/50 d’eaux souterraines et d’eaux de rivière, avec des sources jusqu’à 150 km distantes de la capitale (Source : Eau de Paris)
L’eau distribuée à Paris provient à 50/50 d’eaux souterraines et d’eaux de rivière, avec des sources jusqu’à 150 km distantes de la capitale (Source : Eau de Paris)

Première entreprise publique d’eau en France, Eau de Paris produit chaque jour 500.000 m3 d’eau pour le compte de 3 millions d’usagers. L’eau distribuée à Paris provient à 50/50 d’eaux souterraines et d’eaux de rivière issues de quatre aires d’alimentation de captage (AAC), avec des sources jusqu’à 150 km distantes de la capitale, aux confins de l’Orne à l’ouest, de l’Aube et de la Marne à l’est. Les quatre AAC couvrent 87.000 de SAU.

Pendant plus de dix ans, l’entreprise a mobilisé sur les aires d’alimentation de captage les MAEC de la Pac. Sans résultats tangibles. En 2018, elle élabore son propre dispositif d’aides, sur le principe des Paiements pour services environnementaux (PSE), qu’elle notifie à la Commission européenne en 2020, une première en France. En 2023, les PSE concernent 115 exploitations et 17.305 ha, soit 20% de la surface cumulée des quatre AAC.

Evolution des concentrations des eaux brutes en substances actives hors atrazine et ses métabolites en rapport avec l’évolution des surfaces en AB dans le secteur de la vallée de la Vanne (Yonne) (Source : Eau de Paris)
Evolution des concentrations des eaux brutes en substances actives hors atrazine et ses métabolites en rapport avec l’évolution des surfaces en AB dans le secteur de la vallée de la Vanne (Yonne) (Source : Eau de Paris)

Le 29 novembre dernier, l’entreprise communiquait les derniers résultats d’analyse d’eau. « On constate une diminution de 50 % des concentrations maximales annuelles de pesticides dans la zone comportant le plus de surfaces en agriculture biologique dans le secteur de la Vallée de la Vanne, malgré l’augmentation des fréquences et du nombre de molécules recherchées », indique l’entreprise. Située au nord de l’Yonne et à l’ouest de l’Aube, la Vallée de la Vanne, affluent de l’Yonne, est l’une des quatre AAC, fournissant entre 15 et 20% des volumes. « Depuis 2008, dans l’AAC de la Vanne dont la part de la SAU en cultures biologiques est la plus élevée, la situation d’ensemble est meilleure et le nombre de pics de contamination et leur amplitude tendent à diminuer, relève le rapport interministériel. L’intérêt de l’agriculture biologique pour préserver les ressources en eau est confirmé. La part de la SAU en AB sur l’AAC qui était passée de 1% à 26% de la SAU entre 2008 et 2021, atteint 42 % en 2023. Ces résultats attestent de l’attractivité du PSE ».

Surfaces agricoles engagées dans le dispositif de paiements pour services environnementaux d’Eau de Paris (Source : Eau de Paris)
Surfaces agricoles engagées dans le dispositif de paiements pour services environnementaux d’Eau de Paris (Source : Eau de Paris)

En résumé, AB+PSE=0 résidu dans l’eau et… 0 cas de déconversion. « Malgré un contexte national difficile pour l’agriculture biologique au niveau national, le dispositif permet aux agriculteurs de conforter et de poursuivre leurs engagements », indique Eau de Paris. L’entreprise fait état de surfaces en AB multipliées par quatre entre 2015 et 2023, d’une progression plus rapide des surfaces engagées en agriculture biologique par le PSE et qui se poursuit par rapport aux évolutions départementales (77, 89, 27, 28). La recette ? « A la différence des MAEC, les mesures du PSE sur l’agriculture biologique prévoient une aide au maintien sur une dizaine d’années après la conversion, lit-on dans le rapport. Il propose également des rémunérations supérieures aux aides à la conversion de la Pac ou au moins équivalentes pour les cultures annuelles, légumes de plein champ et betterave sucrière ».

Sur l’ensemble des 4 AAC, l’AB couvre 58% de la SAU mais le PSE intègre aussi des exploitations conventionnelles s’engageant dans la réduction d’intrants (pesticides, engrais azotés). Sur l’ensemble des surfaces concernées par le PSE, la quantité de pesticides utilisée a été réduite de 77% en 2023, équivalant à 55 tonnes de substances actives.

Entre prévention et réparation, y a pas phyto

Si l’AB est pour beaucoup dans le résultat final, une des facteurs de succès réside dans l’accompagnement des agriculteurs engagés, à hauteur d’un conseiller pour 30 exploitations. « 90% des agriculteurs volontaires jugent le cahier des charges clair et simple et autant trouvent le conseil adapté pour atteindre les objectifs », souligne Eau de Paris. Les missionnés estiment de leur côté que « le suivi individualisé des agriculteurs engagés dans les diverses mesures du PSE est coûteux mais déterminant ». Mais il est relatif. Au total, Eau de Paris estime que la partie agricole du programme 2020-2025 de protection des ressources en eau coûtera environ 55 M€ sur 6 ans, soit 105 €/ha/an. Le programme est financé à 80% par l’Agence de l’eau Seine-Normandie. En intégrant l’ensemble des coûts et après déduction des aides de l’agence de l’eau, le coût net de la protection des ressources en eau est de l’ordre de 4 centimes d’euro au m3 d’eau vendu par Eau de Paris. Selon le rapport ministériel, il faut compter entre 0,20€/m3 et 1,20€/m3 pouur traiter le seul métabolite R471811 du chlorothalonil. Y a pas phyto.

Tous les articles de la série :

Pesticides au robinet (1/4) : 10,2 millions de Français boivent de l’eau non conforme

Pesticides au robinet (2/4) : comment préserver les aires d’alimentation de captage ?

Pesticides au robinet (3/4) : couper le robinet …des produits phytos

Pesticides au robinet (4/4) : Eau de Paris : -77% de phytos pour 4 centimes du m3 grâce au PSE