Agriculture bio : stop ou encore ?

[Edito] A l’approche de la présentation du plan Ambition bio pour la période 2023-2027, la Fnab attend du soutien et des moyens à la hauteur des 18% de SAU visés à fin 2027. Tout sauf une utopie selon une étude de la Fondation pour la nature et l’homme.

Pour les acteurs de l’agriculture biologique comme pour le gouvernement, c’est probablement un moment de vérité qui va se jouer pendant le Salon de l’agriculture, au cours duquel le ministère de l’Agriculture devrait dévoiler le plan Ambition bio pour la période 2023-2027. Depuis deux ans, l’AB est aux prises à une crise de la demande, sous l’effet d’une perte de pouvoir d’achat des consommateurs, d’une confusion sur les éco-labels, de sur-marges et de déréférencement en grande distribution, de défauts de structuration dans certaines filières ou encore de la faiblesse de la commande publique, au regard des 20% d’Egalim. Cependant, le gouvernement garde toujours pour trajectoire un taux de 18% de SAU à fin 2027, conformément à l’objectif inscrit dans le Plan stratégique national. Pour rappel, après avoir franchi la barre des 10% en 2021 (10,4% exactement), le taux avait plafonné à 10,7% en 2022, entérinant l’atterrissage des conversions et des prémices de déconversion, après des années de croissance à deux chiffres, tous indicateurs confondus.

Archipélisation versus massification

Il faudra attendre encore quelques mois pour connaitre le taux 2023, qui pourrait acter un « blocage » du compteur autour de 10%. Si la Fnab anticipe une dynamique à l’œuvre sur de petites exploitations, elle appréhende une panne de conversion au sein des structures plus conséquentes. Le tout lui fait craindre un phénomène « d’archipélisation » de la bio, contraire à l’objectif de « massification », lequel serait de nature à faire de la bio le porte-étendard de la transition agroécologique de la ferme France. Sauf si. Sauf si le gouvernement met les moyens à la hauteur des prétendues ambitions. Outre la pérennisation du crédit d’impôt de 4500 euros jusqu’en 2027 (contre 2025 en l’état), la Fnab réclame notamment un écorégime à 145€/ha (au lieu de 93€/ha en 2023), un montant qui permettrait de compenser au moins en partie la perte de l’aide au maintien, décrétée en septembre 2017 en plein salon Tech&Bio.

Avec 6,5% de bio à la maison et 20% en restau « co », le compte est bon

En prenant cette décision, l’Etat livre alors l’agriculture biologique aux lois du marché. Sauf que les défenseurs de l’agriculture biologique ont toujours considéré l’aide au maintien comme un moyen de rémunérer les aménités positives de la bio quand le conventionnel ne supporte pas les conséquences de ses impacts sur le milieu (fermeture de captages, dépollution, érosion de la biodiversité...). Le fait que l’agriculture conventionnelle peine à vendre des PSE (Paiements pour services environnementaux) ou des crédits carbone aux acteurs privés est assez révélateur des limites éco-philanthropiques du marché. Mais l’Etat peut encore rattraper le coup, en forçant la main aux entreprises de restauration collective, aux collectivités... et à lui-même. Selon une étude de la Fondation pour la nature et l’homme publiée en janvier, si l’ensemble de la restauration hors-domicile achetait 20% de produits biologiques et si la consommation à domicile de produits biologiques revenait à son niveau de 2020, soit 6,5 % des achats (contre 6% en 2022), cela créerait les débouchés suffisants pour atteindre 18% de SAU bio fin 2027. Du côté, de l’offre, il n’y a rien à craindre : près de 40% des candidats à l’installation sont motivés par la bio. A table !