La Conf’ pas (très) optimiste sur la future loi d’orientation

Le syndicat regrette l’absence d’objectifs chiffrés en matière d’installation et plus encore la déconnection de cette problématique phare de la future loi d’orientation d’avec les autres politiques, notamment foncières, fiscales et environnementales. Ce que ne sauvera pas la Pac toute fraiche émoulue, jugée « dramatique ».

« On peut toujours avoir une politique dédiée à l’installation comme la porte la future loi d’orientation, mais si on ne réforme pas les politiques foncières, les politiques fiscales, les politiques alimentaires, les politiques agricoles telles que la Pac et les accords de libre-échange, les politiques énergétiques avec les centrales photovoltaïques au sol et le marketing de l’agrivoltaïsme, ou encore la répartition des ressources en eau, autant de politiques qui vont dans le sens d’un concentration des moyens de production, on ira à l’encontre de l’installation ». A l’occasion de sa conférence de presse de rentrée, la Confédération paysanne, par la voix de Véronique Marchesseau, sécrétaire nationale, a donné le ton des débats qui vont animer une bonne partie de l’année agricole avec le projet de Pacte et de Loi d’orientation agricole, estimant au passage qu’un pas de temps d’à peine six mois, c’était « ambitieux » pour bâtir un Pacte de type sortie de guerre (1939-1945).

La Conf’ est cependant bien décidée à jouer son rôle d’empêcheur de s’agrandir en cercles concentriques, notamment via son réseau Fadear, quitte à fixer la barre à des niveaux stratosphériques. « Un million de paysans, ce n’est pas illusoire, rétorque son porte-parole Nicolas Girod. Un million de paysans, c’est que l’on avait il y a 30 ans, une époque où l’on travaillait à peu près comme aujourd’hui, ce n’était pas la fourche et la binette. En 30 ans on a divisé le nombre de paysans par trois mais je ne pense pas que ce soit plus enviable et que l’on vive mieux ».

"Il n’y a aura pas d’objectif chiffré en matière d’installation, ce qui nous interroge : on se donne quels moyens pour aller où ?"

La Conf’ aurait bien aimé que le ministère de l’Agriculture sorte son propre chiffre. En vain. « C’est la douche froide, on nous a rétorqué que le travail en agriculture s’effectuait aussi bien par des salariés que par des paysans et paysanne, indique Véronique Marchesseau. Donc il n’y a aura pas d’objectif chiffré en matière d’installation, ce qui nous interroge : on se donne quels moyens pour aller où ? ».

Pas franchement optimiste, la Conf’ ne se veut pas défaitiste non plus, à l’heure où l’entrée en vigueur de la nouvelle Pac réveille un sentiment « d’échec ». « Sur la Pac, les décisions ne répondent pas aux enjeux de revenu, de transition agroécologique en matière de biodiversité et de climat, poursuit Véronique Marchesseau. C’est dramatique. On va encore se prendre cinq ans dans la tête car on a en face de nous des gens qui ne sont pas conscients des réalités du moment ».

La Conf’ acte toutefois quelques victoires relatives au paiement forfaitaire JA, prélude au paiement à l’actif, à l’aide couplée au maraichage (mais pas exhaustive) ou encore à l’écorégime différenciant l’agriculture biologique. Mais rien sur la redistribution et le plafonnement des aides. La dernière inquiétude en date a trait aux surfaces pastorales et à la révision à la baisse des seuils de chargement des surfaces boisées, qui va « exclure des éleveurs ayant une réelle activité agricole et qui vont devoir l’arrêter », se désole la secrétaire nationale.

L’eau, une mer de batailles

Outre la nouvelle Pac, ce mois de janvier marque aussi la mise en œuvre de la nouvelle assurance climatique, qui ne ravit pas davantage la Conf’. « Être obligé d’avoir un contrat d’assurance privée pour bénéficier du taux plein de la solidarité nationale, c’est un mélange des genres gênant », indique Denis Perreau, secrétaire national, qui regrette aussi l’exclusion de certaines productions d’un dispositif prétendu « universel », le système indiciel en prairies ou encore l’instauration du guichet unique, quoique retardée.

Cette année, la Conf’ va continuer de porter le fer sur la gestion quantitative et qualitative de l’eau, avec les méga-bassines comme symptôme paroxystique. Elle fera de « l’eau paysanne » le thème de son 3ème Salon à la ferme (16-26 février) mais surtout le fil de sa mobilisation, sur des procès, ces 5 et 6 janvier à La Rochelle et Niort, puis sur la manifestation nationale anti-méga-bassines du 25 mars.

« Il y a la nécessité d’allier une stratégie Conf' à une stratégie collective et d’aller d’une stratégie de plaidoyer à une stratégie de mobilisation, avec une convergence toujours plus importante des forces autour des enjeux d’agriculture et de territoires vivants, qui ne concernent pas seulement les paysans », justifie Nicolas Girod, qui rendra sa cotte de porte-parole lors du prochain congrès les 25, 26 et 27 avril en Haute-Vienne.