Pour les filières agricoles françaises, le Mercosur, c’est toujours « non »

A la veille de la visite en France de Luiz Inácio Lula da Silva, président du Brésil, quatre interprofessions réaffirment leur opposition à la ratification de l’accord commercial entre l’UE et le Mercosur, au nom de « l’avenir de l’agriculture européenne et pour sa sécurité alimentaire ». Annie Genevard a redit « non » également.

Le président du Brésil est attendu en France le 5 juin pour une visite d’Etat, au cours de laquelle Luiz Inácio Lula da Silva et son homologue Français se rendront à Nice (Alpes-Maritimes) où se tiendra la  3ème Conférence des Nations Unies sur l’Océan (9-13 juin). Le président brésilien fera escale à Toulon (Var) pour visiter les chantiers navals, la France appuyant le Brésil dans son programme de construction de sous-marins à propulsion nucléaire. « En cette année des 10 ans de l’accord de Paris et avant la COP30 de Belém, nous mobiliserons ensemble à Nice la communauté internationale pour les océans et le climat » a posté Emmanuel Macron sur le réseau X le 29 mai dernier. Pas d’allusion, à ce stade très préliminaire et très protocolaire, à l’accord commercial UE-Mercosur. Mais ce dernier ne devrait pas manquer de s’inviter à la table des discussions, si ce n’est à celle des agapes présidentielles.

Quatre interprofessions sur le qui-vive

L’occasion était trop belle pour que quatre interprofessions (AIBS, Anvol, Interbev, Intercéréales) saisissent l’opportunité de remonter au front, sans bouger une virgule à leurs arguments écrits et chiffrés. Côté chiffres, les quatre interprofessions évoquent les « 2,87 milliards d’euros pour les seuls secteurs de la viande bovine, de la volaille et du maïs », auxquels s’ajoutent « 190.000 tonnes de sucre et 8,2 millions d’hectolitres d’éthanol soit l’équivalent de 50.000 ha de betteraves et d’une sucrerie française ».

Estimation de la valeur agricole des contingents additionnels prévus par l’accord UE-Mercosur (Source : AIBS, Anvol, Interbev, Intercéréales)
Estimation de la valeur agricole des contingents additionnels prévus par l’accord UE-Mercosur (Source : AIBS, Anvol, Interbev, Intercéréales)

« Cet accord pose des questions majeures de souveraineté agricole, de justice économique pour les producteurs européens et de cohérence politique face aux engagements climatiques et sociaux de l’Union européenne », dénoncent les filières, qui rappellent que « ces produits importés bénéficient de conditions de production très éloignées des standards européens : utilisation de substances actives interdites, recours aux OGM, absence de traçabilité, différences de normes sociales ou environnementales. Ces écarts structurels de compétitivité creusent un déséquilibre déjà préoccupant et font courir un risque avéré pour la sécurité alimentaire de l’Europe ».

Rare moment de concorde nationale

Après plus de 20 ans de discussions, l’UE et le Mercosur (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay et Uruguay) ont conclu le 6 décembre leurs négociations, ouvrant la voie à une ratification de l’accord de libre-échange. En France, dans un rare moment de concorde nationale, l’exécutif, le Parlement et les syndicats agricoles ont affirmé haut et fort s'opposer à la ratification « en l’état » de l’accord. Une position a priori minoritaire au sein de l’UE et que l’ouragan Trump, dynamiteur en chef du commerce mondial, a rendu encore un peu plus difficile à défendre.

La France ne désespère pas de rallier une minorité de blocage à sa cause, évoquant le soutien de la Pologne, de la Hongrie et de l’Autriche. « A force de multiplier les accords de libre-échange qui tapent toujours sur les mêmes filières agricoles, il y a un moment où il faut dire stop », a affirmé le 19 mai dernier la ministre de l’Agriculture au micro de France info. « C’est non », a-t-elle enfoncé mercredi sur le réseau X, tentant désormais de convaincre la Belgique. 

Accélération du calendrier ?

Ne se disant pas opposée « par construction » aux accords de libre-échange, Annie Genevard a estimé que l’accord UE-Mercosur n’était pas « un bon accord » et que la question de la souveraineté alimentaire et de la sécurité alimentaire du continent européen était « en jeu ».

Si la Commission décide de sortir le volet commercial de l’accord, un scénario « probable » selon la ministre, la France devra rallier à sa cause au moins trois autres pays membres totalisant avec elle au moins 35% de la population de l’UE pour prétendre bloquer la ratification. « Dans un contexte géopolitique instable, marqué par des tensions croissantes entre l’Union européenne et les Etats-Unis, la Commission européenne entend accélérer la ratification de l’accord UE-Mercosur, présenté comme un levier de stabilisation diplomatique », redoutent les filières françaises.