Le comité « anti-impasses » phytosanitaires à la relance

Le ministère de l’Agriculture réactive le « comité des solutions » censé mettre à disposition des agriculteurs français les mêmes molécules que leurs homologues européens, une problématique qui se réinvite dans la mobilisation agricole.

Alors que la mobilisation des agriculteurs est repartie de plus belle depuis le 18 novembre, avec pour catalyseur la perspective d’un accord final entre l’UE et le Mercosur sur un traité de libre-échange, le gouvernement réactive le Comité des solutions », pour ne pas dire « anti-surtranspositions » ou « non-reconnaissances mutuelles ». C’est du reste au nom des « entraves » à la production agricole et des mesures de simplification « que l’on a besoin maintenant de rendre palpables » qu’Arnaud Rousseau a annoncé ce 20 novembre sur les antennes de Franceinfo la phase « deux » du mouvement de contestation, programmée du 26 et 28 novembre, à l’initiative des réseaux départementaux de la FNSEA et des JA.

En ce qui concerne les moyens de lutte phytosanitaire, le président de la FNSEA a cité le cas de la cerise dont on a « tué » la production. « Aujourd’hui, elle vient de Turquie et les Français en consomment avec des matières actives interdites en Europe ». Autre cas critique cité par Arnaud Rousseau, la noisette, menacée de « disparaître » faute d’homologation de l’acétamipride, « utilisé partout en Europe sauf en France. C’est une distorsion de concurrence. Quand une matière active, un pesticide est homologué au niveau européen, il doit l’être également en France (…) Pas d’interdiction sans solution », a martelé Arnaud Rousseau, invoquant les enjeux de « souveraineté alimentaire ».

En mai 2023, à l’occasion d’une discussion à l’Assemblée nationale sur une proposition de résolution visant à lutter contre les surtranspositions, l’ex-ministre de l’agriculture Marc Fesneau avait admis que « la réglementation relative aux conditions d’utilisation des produits phytosanitaires, je pense aux diverses chartes et aux ZNT, est plus contraignante en France que dans la plupart des autres pays européens ».

Les deux axes du « Comité des solutions »

Sous l’impulsion d’Annie Genevard, le ministère de l’Agriculture a réactivé le « comité des solutions » instauré au printemps dernier par l’ex-ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher à la suite de la mobilisation hivernale. La ministre a demandé à l’Anses de « redoubler d’efforts » pour instruire les demandes d’autorisations de mise sur le marché déposées ces derniers mois pour rendre disponibles en France des produits autorisés chez nos voisins européens, par reconnaissance mutuelle ou extension d’usage. Elle a également pressé l’agence sanitaire de « prioriser ses travaux sur les alternatives qui permettront d’offrir rapidement des perspectives aux filières les plus menacées à court terme ».

« La reconnaissance mutuelle n’est pas à son fort au niveau français »

Au cours de sa conférence de presse annuelle le 7 novembre dernier, BASF France ne réclamait pas autre chose. « La reconnaissance mutuelle n’est pas à son fort au niveau français », déclarait Lucie Meyer, directrice du Département innovation, durabilité et réputation, citant des retards de mise ne marché de « deux, trois ou quatre ans » par rapport à des pays comme l’Espagne ou l’Italie, induisant des situations de « concurrence déloyale » et « d’imports parallèles ». L’entreprise évoquait également des process « peu flexibles » s’agissant du dépôt des dossiers d’homologation. « Si on dépose des nouvelles données, c’est comme si on recommençait le processus à zéro, pour cinq, six ans », expliquait Lucie Meyer.

Reste à savoir jusqu’où le ministère, sinon le Parlement - les sénateurs sont porteurs d’une proposition de loi visant à « libérer la production agricole des entraves normatives » - seront prêts à faire bouger les curseurs, entre les impératifs de souveraineté d’une part et de préservation des écosystèmes et de santé humaine d’autre part. A propos de l’acétamipride, Christian Huygue, directeur scientifique agriculture de l’INRAE, avait déclaré, lors d’une audition par la Commission des affaires économiques du Sénat en avril 2023, que « l'acétamipride, que la France n'a heureusement jamais utilisé » , était  « pire que l'imidaclopride ». « Il s'agit d'un produit stable qui est donc en quelque sorte le chlordécone de l'Hexagone ».