Quand le carbone vient au secours du glyphosate

[Edito] Le vent a bien tourné depuis l’annonce d’Emmanuel Macron, en novembre 2017, demandant à ce que le glyphosate soit interdit en France « au plus tard dans 3 ans ». Quatre ans et trois ministres de l’Agriculture plus tard, le discours est tout autre. A plusieurs reprises, le président a reconnu avoir échoué sur ce dossier brûlant pour les agriculteurs et hautement symbolique pour la société civile.

Alors que la France vient de prendre la présidence de l'Union européenne pour les six prochains mois, Emmanuel Macron et Julien Denormandie s’en remettent désormais à la communauté européenne pour tabler sur le sujet. L’herbicide, dont l’autorisation de mise sur le marché prendra fin le 15 décembre 2022 dans l’UE, devra faire l’objet d’une nouvelle approbation (ou non) d’ici la fin de l’année.

« Il faut faire en sorte que la question des pesticides ne soit pas une question de concurrence déloyale au sein du marché commun », a affirmé le ministre de l’Agriculture lors de ses vœux à la presse le 4 janvier. Le ministre défend une position « méthodique » et « pragmatique » : « pas d’interdiction sans alternatives ».

L'agriculture de conservation comme étendard

« Quand il n’y a pas d’alternative viable économiquement et crédible environnementalement, il faut continuer à utiliser le glyphosate. C’est la position que l’on défendra au niveau européen », a clamé le ministre de l’Agriculture. Et de citer comme exemple de situation d’impasse l’agriculture de conservation des sols (ACS), dont l’un des piliers consiste à ne pas travailler le sol, et qui reste à ce jour dépendant du glyphosate en l’absence d’alternative réellement efficiente, même si de nombreuses expérimentations sont en cours chez les agriculteurs.

« L’agriculture de conservation est une agriculture incroyablement essentielle car elle permet de capter le carbone », a dit le ministre. « Ne plus utiliser le glyphosate, ça veut dire labourer le champ, et donc libérer toutes les tonnes de CO2 que les agriculteurs ont réussi à capter dans le sol ».

Un ensemble de pratiques à considérer

Or, l’absence de labour n’est pas garant d’un accroissement de carbone dans les sols, a récemment montré l’Inrae dans une analyse bibliographique. Selon elle, les pratiques les plus stockantes sont d’abord l’extension des cultures intermédiaires, l’agroforesterie intraparcellaire, l’insertion et l’allongement des prairies intermédiaires, le semis direct ne se classant en quatrième position.

Le carbone au secours du glyphosate : l’argument fait tout de même mouche dans le contexte d’un marché du carbone agricole en plein essor, qui fourmille de projets et de nouveaux acteurs mais qui peine encore à se structurer. Le ministre a fait du sujet du carbone l’une de ses priorités, tant au niveau européen (le carbone sera le thème de la réunion informelle des ministres européens de l’agriculture prévue le 6 février) qu’au niveau national (Julien Denormandie a fait savoir qu’il réunirait « tous les acteurs français concernés » le 1er février prochain). Reste à voir si l’argument sera déterminant dans le sort réservé au glyphosate.