Carbon farming : oui au marché, non à la conditionnalité

Le ministre de l’Agriculture entend accélérer sur la séquestration du carbone dans les sols agricoles, en optimisant l’accès au marché de la compensation, plutôt qu’en agitant une carotte de conditionnalité. Un événement national est programmé le 1er février.

A l’occasion de sa conférence de presse de rentrée le 4 janvier, Julien Denormandie a esquissé sa vision de la décarbonation de l’agriculture et plus précisément le volet séquestration, l’autre mamelle de la problématique carbone, avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre. « Il ne faut pas se tromper dans l’approche carbone, a-t-il déclaré, avant de développer. Avec le carbone, on a une opportunité de créer de la valeur environnementale en créant une valeur économique. Cela nécessite de prendre le sujet par ce bout là et surtout pas par un autre bout qui serait celui de la conditionnalité. Si on impose aux agriculteurs de réduire leur CO2 et que l’Europe fait d’abord ce geste-là, alors on ne fera aucune création de valeur économique. Il faut accompagner les agriculteurs et investir avec eux pour capter du CO2, qu’ils valoriseront auprès de ceux qui souhaitent faire de la compensation carbone ». En résumé : la carotte (du marché) plutôt que le carcan (et les subsides) de la Pac, des PSE (Paiements pour services environnementaux) plutôt que le PSN (Programme stratégique national).

Trois projets labellisés LBC

Le ministre compte bien porter le message auprès de ses homologues européens, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’UE. En l’état actuel de la réforme de la Pac, en tout cas dans le PSN que la France vient de transmettre à la Commission européenne, le fait est que la séquestration du carbone n’émarge ni dans les écorégimes en ce qui concerne le premier pilier, ni dans les Maec en ce qui concerne le second. Reste donc le marché de la compensation volontaire induit par des entreprises et collectivités désireuses de compenser, sur une base volontaire, les émissions résiduelles incompressibles liées à leurs propres activités.

Pour donner du corps à ce marché, la France a créé le Label bas carbone (LBC), une démarche pionnière en Europe, afin d’authentifier et de certifier les démarches vertueuses et de donner ainsi des gages aux acheteurs de crédits carbone.

Selon un dernier décompte du ministère de la Transition écologique, 153 projets ont reçu le LBC pour un total de 391.663 tonnes de C02 évitées. Si le boisement, le reboisement et le balivage s’adjugent l’écrasante majorité des projets (152), les trois seuls projets agricoles totalisent près de 140.000 t de CO2, soit plus du tiers du total, sous l’effet d’un premier projet porté par France Carbon Agri dans le secteur de l’élevage, les deux autres projets concernant la plantation de nouveau vergers étant d’une bien moindre portée.

Évènement carbone le 1er février

En août dernier, la méthode grandes cultures a été officiellement labellisée LBC, ce qui va contribuer à élargir notablement le champ des crédits carbone. Selon une étude de l’Inrae, les systèmes de grandes cultures représentent à eux seuls 85,6% du potentiel de séquestration des sols agricoles, contre 12,6% pour les prairies permanentes et 1,8% pour le vignoble. L’Apad par exemple, est sur le point de notifier un premier projet pour une labellisation attendue d’ici un an.

"Les agriculteurs sont les soldats du climat"

Plusieurs écueils se dressent néanmoins sur le chemin de la valorisation des tonnes de carbone séquestrées et évitées, à commencer par l’engagement des acheteurs. Le projet de France Carbon Agri évoqué plus haut, est pour l’heure, financé à hauteur de 20%, avec un tarif à la tonne de 30 euros net éleveur, plutôt raisonnable. Et si le potentiel additionnel de stockage de carbone est significatif, sans être infini, sa mise en œuvre génère des coûts qui peuvent s’avérer supérieurs aux bénéfices financiers escomptés, abstraction faite des co-bénéfices induits (lutte contre l’érosion, préservation de la biodiversité...), comme l’a décrypté la même étude de l’Inrae.

Le ministère de l’Agriculture entend bien prendre sa part dans le soutien à la structuration de l’offre et de la demande et dans le renforcement de la dynamique. Le 1er février prochain, il a prévu de réunir tous les acteurs concernés. « Les agriculteurs sont les soldats du climat », a dit Julien Denormandie.