Egalim à l’amende... mais sans les amendes

[Edito] Un rapport de la Cour des comptes pointe le défaut de contractualisation en viande bovine et s’étonne de l’absence de sanctions, que la DGCCRF justifie par l’approche « pédagogique » des contrôles, mais aussi la « complexité » de la loi, susceptible de sanctionner... les éleveurs.

« On va multiplier les contrôles, les sanctions tomberont » : c’est ce que déclarait le 26 janvier dernier le ministre de l’Economie à l’issue d’un Comité de suivi des négociations commerciales. Bercy a identifié 124 contrats ne respectant pas la loi et adressé aux entreprises concernées les injonctions d’usage, avant d’éventuelles sanctions. L’Etat s’est refusé à faire du « name and shame » (nommer et couvrir de honte), histoire de ne pas exposer les entreprises à la vindicte populaire et au boycott, tout en invitant les Français à faire œuvre de « patriotisme agricole ». « Aucun manquement constaté en 2022 et en 2023 vis-à-vis d’Egalim 1 ou 2 n’a pour l’instant conduit à des sanctions ». Ça, c’est ce que l’on peut lire dans un rapport que la Cour des comptes a publié le 14 février, consacré au contrôle de la contractualisation imposée par les lois Egalim dans les secteurs du lait et de la viande bovine.

Les lois Egalim en tête de gondole

Le rapport dissone quelque peu dans l’aggiornamento auquel se livre le gouvernement depuis trois semaines, en réponse à la révolte agricole, à coups de boutoir à Bruxelles, d’espèces sonnantes et trébuchantes et de symboles, telle la « pause » sur Ecophyto. En ce qui concerne la défense des revenus, les lois Egalim font figure de tête de gondole. Mais autant dire que le rapport de la Cour des comptes ne fait pas vraiment dans le catalogue des « promos » de la semaine. Malheureusement, c’est loin d’être le seul coup de canif dans les lois en question. On pourrait citer les 7% de produits bio dans la restauration collective publique contre les 20% exigés, là aussi sans pouvoir de sanctions (en l’occurrence de l’Etat à l’Etat) ou encore les 85% de restaurants commerciaux qui n’afficheraient pas l’origine des viandes, comme le dénonçait l’interprofession de la volaille de chair l’an passé. Ce qui n’empêche pas, au passage, la France d’essayer de pousser Egalim sur les fonts baptismaux européens.

Un os dans la cour de Matignon

Selon la Cour des comptes, les contrôles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes (DGCCRF), constituent l’une des rares sources d’information sur la contractualisation. D’où l’intérêt du rapport. En viande bovine, la DGCCRF a constaté l’absence de contractualisation sur 15 des 35 contrôles réalisés entre 2022 et 2023, sans toutefois appliquer de sanctions. Une mansuétude mise sur le compte d’une approche « pédagogique ». Mais pas seulement. La DGCCRF met en avant la difficulté à déterminer les responsabilités respectives des parties dans l’absence de contrat ou l’échec de la négociation. En outre, la technicité́ des contrats rend difficile leur élaboration par les éleveurs, à l’exception de ceux qui sont solidement structurés. « Sanctionner l’absence de proposition par l’agriculteur conduirait à sanctionner des producteurs alors que la loi vise à mieux protéger leur rémunération », pointe l’instance. A l’heure de la défense des revenus à tout crin et du « choc » de simplification, la Cour des comptes vient de jeter un os dans la cour de Matignon. A ronger ou à ranger en fond de gondole ?