HVE (2/4) : le label agroécologique de la ferme France

La certification Haute valeur environnementale est porteuse de garanties environnementales en matière de biodiversité et de réduction d’intrants. Ambitieuse, mais pas exhaustive, elle souhaite emmener le maximum d’agriculteurs, portée par les filières et par les pouvoirs publics. En attendant les consommateurs.

La certification environnementale des exploitations (C2E) fête cette année ses dix ans. C’est en effet la loi du 12 juillet 2010, dite loi Grenelle 2, qui a établi ses fondements avant de les transcrire dans le Code rural en 2011, sous l’égide d’un certain Bruno Le Maire, alors ministre de l’Agriculture. Dix en plus tard, le même Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, poursuit son œuvre en accordant à la HVE un crédit d’impôt dans le cadre du Plan de relance.

Entre-temps, la certification environnementale, encadrée par la Commission nationale de la certification environnementale, a quelque peu végété, probablement écrasée par l’agroécologie, avant d’en devenir le porte-étendard. « La certification environnementale se concentre sur deux volets que sont la biodiversité et l’autonomie des exploitations à l’égard des intrants (les produits phytosanitaires, les engrais, l’eau et les aliments du bétail) », déclare Laurent Brault, animateur de l’association nationale pour le développement de la certification HVE. Celle-ci rassemble une soixantaine d’organisations professionnelles couvrant la production, la transformation et la distribution, aux côtés de collectivités, d’associations et d’organismes certificateurs.

« La biodiversité et l’autonomie ne sont pas pris en compte par les SIQO, les Signes officiels de la qualité et de l’origine que sont l’AB, l’AOP, l’IGP, la STG ou encore le Label Rouge, poursuit Laurent Brault. C’est ce qui a prévalu à la création de la certification environnementale en 2010, avec la caution d’associations environnementales. En 2020, la biodiversité et le degré d’indépendance à l’égard des intrants constituent toujours deux marqueurs importants des attentes et des performances environnementales, ce qui justifie le soutien des pouvoirs publics à la HVE ».

Des indicateurs de performance, pas des normes

Comme l’AB et les autres SIQO (AB, AOP...), la HVE est encadrée par le ministère de l’Agriculture. Mais ils différent sur plusieurs points. Les premiers correspondent à des cahiers des charges régissant les produits agricoles tandis que la HVE est une mention valorisante, au même titre que les mentions « produits de montagne », « montagne », « fermier », « produit à la ferme » ou encore « produit pays » pour les départements et territoires d’Outre-mer. C’est donc moins le produit que l’exploitation qui est qualifiée.

Autre différence et non des moindres : les indicateurs, qui permettent d’évaluer l’exploitation au prisme de la biodiversité et des intrants, sont basés sur la performance et non sur les pratiques et les moyens mis en œuvre. « En matière de biodiversité par exemple, la HVE impose de réserver 10% de la SAU à des zones de repos mais elle laisse la liberté aux exploitants les aménager comme ils l’entendent, en fonction de leur environnement, explique Laurent Brault. S’agissant des produits phytosanitaires, les moyens pour réduire leur usage emprunteront différentes voies selon les filières. Les maraichers poseront des plastiques et les arboriculteurs des filets. Seul le résultat compte ».

Des trous, en attendant le maillage

Les plastiques, justement, font partie de ces intrants qui passent au travers de la raquette agroécologique de la HVE. Ils ne sont pas les seuls. L’énergie y échappe aussi, de même que le bien-être animal et les antibiotiques. « La HVE n’est pas la certification Iso 14.001 et n’a pas la prétention de cocher toutes les cases environnementales et sociétales, justifie Laurent Brault. Si la HVE s’attache à la biodiversité et aux consommations d’intrants, c’est parce que ces deux paramètres concentrent les principales critiques. Les objectifs assignés en la matière à la HVE sont très élevés, au point que certaines filières aimeraient parfois voir aménager tel ou tel point négatif pour elles ou voir intégrer tel autre positif. La HVE n’est pas une certification à la carte, c’est un socle commun, qui a vocation à s’adresser à tous les agriculteurs ».

"La HVE a le potentiel pour s’étendre rapidement sur le territoire français."

Sur le plan des filières, des indicateurs spécifiques ont été établis pour s’adapter à chacune d’elle. Au plan géographique, des seuils de performance ont été régionalisés afin de prendre en compte les contraintes, notamment les terroirs et climats, auxquelles sont confrontées les exploitations en fonction de leur localisation.

« La HVE a le potentiel pour s’étendre rapidement sur le territoire français, offrant aux régions dans lesquelles elle se développe un maillage écosystémique bénéfique et une agriculture plus autonome vis-à-vis des intrants des ressources en eau et des aliments du bétail importés », a déclaré Jean-Jacques Jarjanette, président de l’Association pour le Développement de la HVE, le 13 octobre 2020 devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale, pour appuyer la demande d’une crédit d’impôt.

La garantie d’un produit made in France

Si le ministère de l’Économie met la main à la poche, le ministère de l’Agriculture assure de son côté la promotion du dispositif, en publiant régulièrement l’état d’avancement de la certification. Les 8.218 exploitations certifiées HVE représentent actuellement 1,35% de la SAU. On est loin du maillage mais tout pousse à la roue, des plans de filières établis lors des EGA au Plan biodiversité, qui a fixé à 15.000 en 2022 et à 50.000 en 2030 les objectifs de certification.

La Loi EGAlim a du reste fixé au 1er janvier 2030 l’obligation pour les SIQO (AB, AOP, IGP, STG et label Rouge) d’intégrer dans leur cahier des charges les exigences de la HVE. Celle-ci pourrait même s’inviter dans la Pac même si les promoteurs de la certification avancent avec prudence sur ce terrain-là. « Que la certification HVE ouvre droit à certaines aides, pourquoi pas, mais qu'elle soit une condition à l’octroi d’aides, non », défend Laurent Brault.

A ce jour, la HVE est une certification franco-française, qui sied bien à ses promoteurs, car elle a l’avantage de "franciser" le panier et le caddie des consommateurs. Le ministère de l’Agriculture a du reste programmé pour 2021 une campagne de promotion de la HVE. Une première.

Tous les articles de la série :

HVE (1/4) : après le logo, le crédit d'impôt

HVE (2/4) : le label agroécologique de la ferme France

HVE (3/4) : de l’agriculture raisonnée à la Haute valeur environnementale

HVE (4/4) : éligible aux éco-régimes de la prochaine Pac ?