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L'Agtech et le bon sens paysan font-ils bon ménage ?
[Edito] Paradoxe agricole : presque tous les agriculteurs innovent, mais les freins à l’adoption des nouvelles technologies dans les fermes sont encore nombreux. Le développement de l’Agtech se heurte au temps long de l’agriculture et aux contraintes du terrain.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2025, le marché mondial de l'Agtech pèse déjà 15 milliards de dollars et devrait croître de 12 à 15% par an jusqu'en 2030. Contraction des mots agriculture et technologie, l’Agtech englobe les innovations comme les robots, les drones, les outils connectés, les biotechnologies, ou encore les nouveaux produits de protection des plantes. Aujourd’hui, la boîte à outils dont disposent les agriculteurs pour simplifier et améliorer leurs pratiques s’est élargie. Mais si l'adoption de ces technologies progresse en France, elle reste inégale.
Selon un récent sondage réalisé par l’Ipsos, l’écrasante majorité des agriculteurs (86%) déclare avoir adopté au moins une innovation en 2023-2024, parmi celles proposées par le sondage : agroéquipements connectés, génétique végétale, nouveaux produits phytos, applications numériques, outils d’aide à la décision, biocontrôle, méthodes de substitutions aux engrais et aux produits phytosanitaires, conservation des sols. Mais seuls 14% d’entre eux ont recours aux innovations technologiques récentes, tels les agroéquipements connectés ou autonomes.
Les freins à l’adoption massive des nouvelles technologies sont encore nombreux, à commencer par le coût des investissements, la réglementation, mais aussi la formation, qui est souvent en retard par rapport à l’innovation, quand ce n’est pas tout simplement l’accès au réseau internet… Enfin, une technologie ne sera adoptée que si elle présente un véritable intérêt pour l’agriculteur : gain de temps, allègement de la charge de travail, protection contre les aléas climatiques ou les menaces sanitaires, réduction de l’usage des phytos ou de la consommation d’eau, etc.
Le campus Hectar, niché dans les Yvelines, se positionne comme un véritable laboratoire pour l'agriculture du futur. Sur ses 610 hectares, le lieu expérimente l’agriculture de conservation des sols en bio, la décarbonation, ou encore l'intégration des technologies de pointe au service de meilleures conditions de travail, un aspect crucial pour attirer de nouvelles générations en agriculture. Le campus accueille également un accélérateur de startups agricoles, en partenariat avec l'école de commerce HEC, qui a déjà soutenu plus de 80 projets en 3 ans.
Mais l’Agtech a depuis longtemps infusé dans les fermes, à commencer par les robots de traite, dont les premiers exemplaires ont été commercialisés en 1995 par Lely. Depuis près de 10 ans, les Digifermes, ce réseau de 21 fermes expérimentales réparties sur tout le territoire, jouent un rôle important dans l'adoption des technologies en agriculture. Clôtures virtuelles, désherbage ciblé par intelligence artificielle, drones de surveillance des troupeaux… En testant et évaluant les solutions technologiques innovantes en conditions réelles, elles ont déjà accompagné 80% des entreprises développant des technologies numériques pour l'agriculture. Chaque année, ce sont près de 30 000 agriculteurs et conseillers qui visitent ces fermes du futur, signe d'un intérêt croissant pour ces innovations.
Les nouvelles technologies appliquées à l’agriculture ont la particularité d’être confrontées au temps long des saisons agricoles et à la variabilité des évènements climatiques, ce qui augmente leur temps de développement et d’adaptation avec le terrain. A ce titre, le « bon sens paysan », cette connaissance des microclimats locaux, des particularités des sols, des pratiques adaptées à un territoire spécifique, reste irremplaçable. Les technologies sont au service des agriculteurs pour les assister dans leurs prises de décisions, pas pour les remplacer.
L'Agtech et le bon sens paysan ne s'opposent pas, ils se complètent. C’est cette alliance entre les savoirs ancestraux et les possibilités du numérique qui va dessiner les contours d'une agriculture plus durable, plus attractive et plus résiliente. L’agriculture est loin de perdre ses racines.