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Le jour où les agriculteurs bio manifesteront
[Edito] Jusqu’à quand, les agriculteurs bio, rudoyés autant par le marché que par les politiques publiques, seront-ils condamnés à mobiliser leur seule résilience en guise d’acte de résistance ?
Une grande journée d’action(s) de la FNSEA et des JA ce 26 septembre à travers toute la France, une manifestation de la Confédération paysanne à Paris le 14 octobre, une mobilisation de la Coordination rurale avant la fin de l’année : les syndicats agricoles repartent au front cet automne, en ordre dispersé mais avec tout de même, comme plus petit dénominateur commun, l’opposition à cet inique accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, qui voit l’Europe ravaler ses valeurs et ses normes, et légitimer des distorsions de concurrence béantes, aux plan commercial, social, sanitaire et environnemental.
La décroissance, c’est pour la bio
Pendant ce temps, le modèle d’agriculture qui coche toutes les cases de la durabilité, s’installe depuis quelques années, au mieux dans la stagnation, au pire dans la décroissance. A Tech & Bio, l’Agence bio a présenté les derniers chiffres de son observatoire national. Résultats ? « Le solde entre les nouveaux entrants et les sortants de la certification est négatif pour la première fois, avec plus d’arrêts que de nouvelles installations depuis le début de l’année ». L’Agence bio relève toutefois que le marché de la consommation bio à domicile, qui s’était rétracté de 4,6% en 2022, de 0,4% en 2023 et repris de 0,8% en 2024, affiche, sur les six premiers mois de l’année, une croissance de 4,1% en rythme annuel, la GMS affichant son premier semestre positif depuis 2021.
La reprise, quelle reprise ?
Un optimisme aussitôt réfréné, dans les mêmes allées (boueuses) de Tech & Bio, par Jérôme Caillé, président de la Commission bio à La Coopération Agricole (LCA). « C’est encore prématuré de parler d’une reprise car c’est un redémarrage en valeur pour la plupart des produits, a-t-il tempéré. En porc et en volaille, on a encore des éleveurs qui ne tournent pas à 100% de leur capacité. En grandes cultures, on a beaucoup de surfaces implantées en légumineuses fourragères parce que les prix ne sont pas là ». La viande bovine bio est quant à elle tirée par le conventionnel et les œufs bio par… les trous dans les rayons.
Si la prudence est de mise chez les agriculteurs bio, c’est aussi parce que l’élasticité du linéaire des GMS inversement proportionnelle à celle d’un engagement dans l’AB et parce que l’agilité de l’Etat à redistribuer les reliquats d’aides bio non consommées au conventionnel est éprouvée, alors que de nouveaux arbitrages se profilent en la matière.
Du manifeste à la manifestation ?
Selon le panéliste Worldpanel by Numerator (ex-Kantar), la reprise de la consommation bio s’explique notamment par la réappropriation de l’alimentation-santé chez les consommateurs, profitant à une bio moins « inflatée », sur fond d’alertes environnementales incessantes et de campagnes de communication (Bio Réflexe) commençant à porter ses fruits. L’Etat n’a donc que l’embarras du choix pour redistribuer les reliquats, en commençant par honorer ses engagements dans Egalim (moins de 7% d’achat bio dans les cantines publiques contre 20% promis), même si les lignes budgétaires n’ont pas la porosité requise.
En tout cas, le fait de reléguer l’Agence bio dans son bus Bio Réflexe sur le parking de ce temple de la communication qu’est le Salon de l’agriculture n’est pas le meilleur signal envoyé à la filière. « Il faut la jouer collectif » a déclaré Jérôme Caillé, en présentant à Tech & Bio le « manifeste » de LCA « pour la résilience des filières de l’agriculture biologique ». En attendant une manifestation des agriculteurs bio, indépendamment des chapelles FNSEA, JA, Conf’ et CR ?