Paiements directs 2023 : l’écorégime... au régime

Victime de son succès, l’écorégime voit ses montants indicatifs unitaires diminuer dans des proportions comprises entre 17% et 24% selon les voies d’accès. La Fnab dénonce un échec de la transition et une « aide au maintien de l’agriculture chimique ». Le bonus « haies » de 7€/ha est en revanche conforme aux prévisions.

45,46€/ha pour le niveau inférieur, 62,05€/ha pour le niveau supérieur et 92,05€/ha pour le niveau spécifique à l’agriculture biologique : tels seront les montants unitaires qui seront versés au titre de l’écorégime pour l’année 2023.

Pour rappel, la réforme de la Pac a intronisé avec l’écorégime un nouveau paiement direct surfacique, se substituant au Paiement vert, pour qui s’engage, sur une base volontaire, à mettre en œuvre sur l’intégralité de son exploitation des pratiques agronomiques favorables au climat et à l’environnement. Celles-ci ont été codifiées et réservent deux voies d’accès : les pratiques agronomiques d’une part (diversification des cultures, maintien des prairies permanentes, couverture végétale en inter-rang des cultures pérennes) et les certifications d’autre part (HVE et AB), assorties de trois niveaux de paiement.

Dans son Plan stratégique national, le ministère de l’Agriculture avait tablé sur les montants indicatifs suivants : de l’ordre de 60€/ha pour le niveau inférieur (pratiques ou certification CE2+), de l’ordre de 80€/ha pour le niveau supérieur (pratiques ou certification HVE) et de l’ordre de 110€/ha spécifiquement pour l’AB.

Philippe Camburet, président de la Fnab : « L’écorégime est finalement une aide au maintien de l’agriculture chimique »
Philippe Camburet, président de la Fnab : « L’écorégime est finalement une aide au maintien de l’agriculture chimique »

Rétrospectivement, la mention « de l’ordre de » revêt toute son importance car les montants définitifs de 45,46€/ha, 62,05€/ha et 92,05€/ha, fixés par un arrêté du 3 octobre, induisent une décote comprise entre 17% et 24%. A titre indicatif, le montant du paiement vert était « de l’ordre » de 80€/ha.

Cumulable avec les voies des pratiques et de la certification, le bonus haies sera bien de 7€/ha (1m linéaire = 20m2), comme annoncé. Pour en bénéficier, il faut justifier de haies certifiées ou labellisées comme étant gérées durablement sur au moins 6% de ses terres arables et de sa SAU.

L’agriculture biologique est, proportionnellement, la moins impactée par le rabotage de l’écorégime. Pas de quoi tempérer la réaction de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab). « On avait dénoncé il y a deux ans le détournement de cette aide qui devait être un revenu environnemental incitant la transition et qui finalement est une aide au maintien en agriculture chimique », dénonce son président Philippe Camburet.

"L’écorégime est, comme nous l'avions dénoncé, une aide au maintien en agriculture chimique"

Lors de sa présentation du Plan stratégique national (PSN) en mai 2021, préfigurant la future Pac, le ministre de l’Agriculture d’alors, Julien Denormandie, avait affirmé que « 79% des exploitations de grandes cultures devraient, dans l’état actuel, accéder à l’un des deux niveaux de l’écorégime » et que, parmi les exclues, « 13% devraient modifier 5% de leur assolement pour y parvenir », ménageant certaines organisations professionnelles mais alimentant le procès en « green washing » de l'ex-paiement vert.

La réduction des montants s’explique par le « succès » global de l’écorégime, diluant l’enveloppe fixe annuelle de 1,684 milliard d’euros et représentant 25% des paiements directs.

La référence à l’aide au maintien par la Fnab n’est pas anodine car le PSN a entériné la fin de l’aide au maintien en AB. Avec 92,05€/ha, on est loin des 145€/ha réclamés par la Fnab. De son côté, le gouvernement, qui réitère régulièrement l’objectif de 18% de SAU bio à fin 2027, se défend de tout lâchage, expliquant que le crédit d’impôt bio équivalait à un soutien supérieur à l’aide au maintien et mettant en avant un plan d’aide exceptionnel avoisinant les 200 millions d’euros.

"Ce serait le pire désaveu pour l’agriculture biologique que de voir les reliquats d’aides à la conversion abonder le budget des Maec"

La Fnab, qui réclame toujours une revalorisation de l’écorégime, lorgne également sur l’enveloppe annuelle de 340 millions d’euros allouée à la conversion en AB et au potentiel reliquat que pourrait générer la baisse des conversions en 2023. Elle n’est pas la seule : nombreux sont ceux qui voient dans les Maec (Mesures agroenvironnementales et climatiques) les héritières toutes désignées de l’éventuel reliquat. « Ce serait le pire désaveu pour l’agriculture biologique que de voir les reliquats d'aides à la conversion abonder le budget des Maec, prévient Philipe Camburet. Le cas échéant, j’espère que la Commission européenne ne laissera pas passer ».