Portage foncier : Terre de liens réclame des garde-fous et 1,4 milliard d’euros par an

Le mouvement estime que ce montant, équivalent à 1% du budget que les ménages dédient annuellement à leur alimentation, permettrait d'atteindre 75% des 20.000 à 25.000 installations annuelles requises pour assurer le renouvellement des générations, au service d’un portage « d’intérêt général ».

300 et quelques fermes pour 800 et quelques agriculteurs sur un plus de 10.000 ha : tel le bilan du mouvement Terre de liens et plus précisément de sa Foncière après 20 ans d’activité. Une poignée de terre à la veille d’un grand retournement, qui va voir une exploitation sur deux (soit 200.000) changer de mains dans les 10 ans à venir. Une poignée de terre, peut-être, mais d’où ont germé plusieurs initiatives en matière de portage, imbriquant acteurs publics, privés et citoyens.

Il n’est que de citer la Foncière agricole d’Occitanie, (actionnariat Région, OPA, banques), la Ceinture verte (constitutions de SCIC avec les collectivités locales) ou encore les entreprises à mission Eloi et Fève. Les Safer sont aussi sur le coup avec la constitution du fonds Elan dont le lancement opérationnel est imminent. Il y a enfin l’Etat qui a créé en 2023 le Fonds entrepreneurs du vivant, doté de 400 millions d’euros et qui vient d’inscrire dans le projet de loi pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture la création du Groupement foncier agricole d’investissement (GFAI), visant la levée de 150 millions d’euros. Objectif commun à toutes ces initiatives : retirer, temporairement ou durablement, la charge de l’investissement foncier aux candidats à l’installation pour élargir le spectre de porteurs de projet et éliminer un des obstacles au renouvellement des générations.

1,4 Md€/an, le cap de 75% des besoins d’installation

Si, avec ses petits moyens, Terre de liens n’a pas modifié le paysage foncier tout en traçant un sillon, le mouvement estime que la puissance publique n’est pas à la hauteur des enjeux de la transmission-installation. « Avec un prix moyen des terres libres de 6130€/ha, la prise en charge du marché des terres libres par le portage foncier représenterait un investissement de 1,4 milliard d’euros chaque année, affirme Terre de liens dans un rapport publié en février dernier. Cette somme, considérable, ne représente pourtant que 1% du budget que les ménages dédient annuellement à leur alimentation, ou encore 4% du budget de la politique du logement », relativise le mouvement. Une avancée sociale à portée de budget ».

On est très loin du « one shot » de 400 millions d’euros du Fonds entrepreneurs du vivant, dont Terre de liens estime en prime que seulement « 60 à 80 millions d’euros » seraient consacrés au portage. Moins qu’une poignée de terre, de la poussière donc. Terre de liens estime que l’investissement annuel de 1,4 milliard d’euros permettrait d’installer 7000 paysans supplémentaires chaque année et d'atteindre ainsi 75% des 20.000 à 25.000 installations requises, contre les 12.000 à 15.000 enregistrées annuellement. Et prône une rénovation de la régulation foncière pour assurer le solde de 25%.

Pour un portage foncier « d’intérêt général »

Pour faire émerger une nouvelle génération agricole, Terre de liens estime impérieuse la nécessité pour l’Etat d’accompagner le développement d’un portage « d’intérêt général, non spéculatif, orienté vers des systèmes productifs agroécologiques, en assurant un appui durable aux agriculteurs dans le respect de leur autonomie, et en garantissant une gouvernance désintéressée par une non rentabilité du capital ».  Au passage, Terre de liens égratigne certaines pratiques en la matière, que le mouvement assimile à une « financiarisation du foncier agricole », avec des montages juridiques faisant des producteurs de « simples exécutants », des contrats réalisés hors du cadre du fermage ou encore des mécanismes dissimulant des opérations de spéculation sur le foncier.