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Jeudi 18/12/2025
SNBC 3 : la feuille de route de l’agriculture
La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), 3ème du nom, assigne au secteur agricole une baisse des émissions de GES de 28% d'ici à 2030 et de 54% d'ici à 2050 par rapport à 1990, misant notamment sur la maximisation du pâturage et du stockage de carbone dans le sols et les haies, et la réduction d’usage des engrais.
La France, qui s’est engagée à respecter l’Accord de Paris, visant à limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale à 2°C, et si possible 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, s’appuie sur la Stratégie nationale bas-Carbone (SNBC) pour baliser ses objectifs par secteur d’activité en établissant des orientations de politiques publiques pour les atteindre, l’objectif ultime étant de parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050. La neutralité, il n’en est pas vraiment question pour l’agriculture car les émissions sont dues à 87% à des processus biologiques, à la fois de l’élevage (fermentation entérique) et des cultures (fertilisation) en partie incompressibles, la consommation de combustibles fossiles ne représentant que 13% des émissions du secteur.
Pour autant, l’agriculture, qui émet 20% émissions totales de la Nation, doit contribuer à l’objectif de neutralité, un effort qu’elle a largement entamé puisqu’en 2023, le secteur avait réduit de 18% ses émissions de GES par rapport à 1990, sous l’effet de la baisse du cheptel et de la consommation d’engrais minéraux, pour s’établir à 76 Mt CO₂e, équivalant à 20% des émissions brutes françaises. Les émissions devront diminuer de 28% d’ici 2030 (67Mt) et de 54% d’ici 2050 (43Mt) par rapport à 1990 (93Mt).
Comment ? En réduisant l’intensité carbone de l’élevage, en renforçant son autonomie protéique, en augmentant le pâturage, en faisant évoluer les systèmes de production en grandes cultures, en réduisant la consommation d’engrais minéraux azotés, en décarbonant les consommations d’énergie des machines, en accompagnant l’évolution des régimes alimentaires et en luttant contre le gaspillage alimentaire, en augmentant le stockage de carbone dans les sols, en produisant des bioénergies (biogaz, bois-énergie). Telle est la prescription du projet de SNBC 3, qui doit encore passer par différents filtres (consultation des instances tels le Conseil national de la transition écologique et le Haut Conseil pour le Climat, avis de l’Autorité environnementale, consultation du public) avant d’être adoptée au printemps prochain
Elevage : développer les pratiques agroécologiques et améliorer la gestion des troupeaux
La SNBC 3 entend placer l’élevage au « cœur du système agricole » en maximisant de ses bénéfices écosystémiques (entretien des paysages, maintien de la biodiversité, sources de fertilisants naturels, etc.) et en valorisant les modèles locaux, durables et pâturants. Il s’agit notamment d’inciter à un recours accru au pâturage, permettant de préserver les prairies permanentes pour les services écosystémiques qu’elles rendent à l’élevage et à la société. Il s’agit également de renforcer l’autonomie protéique des exploitations (-50 % d’importations de soja à horizon 2030 par rapport à 2020 et autonomie protéique nationale en 2050) via l’augmentation de la production de légumineuses, et de favoriser le bouclage des cycles entre cultures et élevage à l’échelle des exploitations et des territoires. La gestion des troupeaux sera optimisée, notamment par le soutien à des projets de R&D et des démarches de transfert des connaissances visant à réduire les périodes improductives des animaux, à travailler sur leur longévité, leur efficience alimentaire en particulier au pâturage, leur capacité à valoriser une diversité de ressources fourragères (notamment herbacées et ligneuses) et à améliorer leurs performances via la sélection génétique.
Pour mieux gérer et valoriser les effluents d’élevage, la SNBC 3 prône la généralisation de la couverture des fosses à lisier à long terme avec notamment des systèmes de récupération du méthane, la mise en œuvre de pratiques et matériels d’épandage améliorés afin de limiter la volatilisation d’ammoniac et une meilleure valorisation des engrais organiques. « Une grande vigilance sera exercée dans les politiques publiques au regard des impacts territoriaux et sur la souveraineté alimentaire, en privilégiant la consommation de viande locale et durable ». « Ces évolutions, prenant en compte les dynamiques de renouvellement et d’installations des éleveurs, seront accompagnées, notamment via le plan gouvernemental renforcé de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage143, afin de structurer les filières en cohérence avec les besoins et modes de consommation dans le respect du PNNS, de réduire nos dépendances aux importations en matière d’alimentation animale, notamment sur les tourteaux, et de préserver les prairies permanentes ainsi que la biodiversité et les stocks de carbone associé ».
Cultures : réduire la consommation d’engrais et développer l’agriculture biologique
Pour réduire l’usage des engrais minéraux azotés (-30% en 2030 et -50 % en 2050, par rapport à 2020, la SNBC 3 mise sur le développement des cultures intermédiaires, le soutien à la méthanisation et le soutien à l’innovation, notamment dans le développement de l’agriculture de précision et d’équipements intelligents, automatisés ou connecté pour un meilleur ciblage. Il s’agit aussi d’accompagner « les systèmes agroécologiques et filières moins émetteurs de GES, et plus largement réduisant les pressions sur l’environnement et les ressources », s’inscrivent dans « une démarche de transition écologique de l’agriculture plus large que la seule atténuation du changement climatique. ». Et de citer le soutien aux filières protéines végétales (10% de la SAU cultivée en légumineuses d'ici à 2030, le soutien aux filières fruits et légumes ou encore le développement de l’agriculture biologique (21% de la SAU en 2030 et 25% en 2050), qui « permet notamment d’améliorer la santé des sols, dispose de nombreux atouts en termes de santé humaine et a un effet positif sur la diversité d’espèces, de plantes et de pollinisateurs ».
Régimes alimentaires : le PNNS et la SNANC d’abord
Autour de la logique d’empreinte carbone et des impératifs de souveraineté alimentaire, alliant compétitivité, durabilité et résilience, la SNBC 3 vise une réduction « volontariste et rapide » des importations, notamment de viande bovine, pour éviter des fuites de carbone et la prédilection pour la viande locale et durable. Mais elle n’a pas « vocation à être prescriptive quant aux pratiques alimentaires ». La trajectoire de baisse des émissions est ainsi fondée sur les hypothèses d’évolution des régimes alimentaires du Programme national nutrition santé (PNNS), conformément au projet de Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, la fameuse SNANC, au congélateur depuis plus de deux ans. Si la SNBC 3 fait l’impasse sur la trajectoire de consommation de viande, elle se fait tout de même prescriptive sur les fruits et légumes (+10% à horizon 2030 et +23% à horizon 2050, par rapport à 2020) et les légumineuses (X2 à horizon 2030 et X4 à horizon 2050, par rapport à 2020). Un dernier levier consiste à poursuivre la lutte contre le gaspillage alimentaire, à l’origine de 4% des émissions totales de GES en 2022 selon l’Ademe.
Stocker le carbone dans les sols et la biomasse
La SNBC 3 recommande d’accentuer les incitations au stockage de carbone (conditionnalité, aides couplées bovines, écorégime, bonus haies…), bénéfiques au maintien et à l’entretien des prairies permanentes, à la préservation et à la création d’infrastructures agroécologiques ou encore aux couverts intermédiaires. La stratégie plébiscite le pacte en faveur de la haie visant un gain net de 50.000 km de haies à horizon 2030 par rapport à 2020 et invite à poursuivre la dynamique à horizon 2050. Elle recommande par ailleurs d’atteindre 100.000ha de surfaces de terres arables et prairies avec agroforesterie intraparcellaire en 2030, et 300.000ha en 2050, réparties équitablement entre les terres arables et les prairies.de Le développement du Label bas-carbone est aussi encouragé.