UE-Mercosur : la boulette brésilienne, la concorde nationale et le Big Mac trumpien

[Edito] Sur fond de concorde politique et syndicale anti-Mercosur, le PDG de Carrefour a dû ravaler une boulette pour s’éviter un boycott au Brésil, son 2ème marché après la France. En attendant le come-back d’un grand carnivore.

La « grande qualité », la « saveur », le « respect des normes » : nous ne sommes pas à la table des jurés du Concours général agricole qui, dans quelques mois saliveront sur un aloyau de Limousine, race égérie du prochain Salon de l’agriculture. Ces louanges, ce sont celles formulées cette semaine par Carrefour à l’encontre de la viande bovine brésilienne. Gare à la dysphagie. Quelques jours plus tôt, le distributeur s’était pourtant engagé à « ne commercialiser aucune viande en provenance du Mercosur ». Motif : le « risque de débordement sur le marché français d'une production de viande ne respectant pas ses exigences et ses normes ».

Un bon point pour la RSE, moins pour l’actionnariat

La sortie du PDG de Carrefour a eu pour effet de déclencher la menace d’un boycott dans les magasins brésiliens de l’enseigne, qui génèrent le quart (23%) de son chiffre d’affaires. La boulette. D’où la régurgitation du distributeur, qui se fait le grand chevalier blanc de la viande rouge tricolore (que personnellement j’apprécie bleue), en revendiquant 96% d’origine France, invitant au passage la restauration à domicile à se joindre à son « engagement », ça ne mange pas de pain (français). Une viande tricolore sans arrière-goût d’anabolisants mais peut-être pas sans celle de tranquillisants, de ceux que les éleveurs peuvent être enclins à avaler, rudoyés qu’ils sont par l’oligopole de la grande distribution, confinant à la spoliation des producteurs, sur fond d’avachie de pouvoirs publics peu prompts à faire appliquer ses propres lois.

Concorde politique et syndicale

C’est en tout cas ce qu’ont dénoncé les sénateurs il y a quelques jours dans un rapport du groupe de suivi des lois Egalim. Sur le front du Mercosur, les mêmes sénateurs ont cette semaine donné quitus au gouvernement pour s’opposer au projet d’accord de libre-échange « en l’Etat », emboitant le pas aux députés. Un rare moment de concorde nationale en ces temps politiquement si incertains, auquel s’ajoute un encore plus rare consensus syndical, qu’il faudrait néanmoins nuancer entre une Confédération paysanne consubstantiellement pourfendeuse de tels accords mais qui se fait doubler par sa droite par les JA, la FNSEA et la CR, lesquels ne s’interdisent pas de « commercer » moyennant des clauses miroirs et des clauses de sauvegarde. Dans ce débat qui pourrait se clore très prochainement, avec la réunion du Mercosur à Montevideo (Uruguay), une voix dissonante et non des moindres s’est invitée, en la personne d’un ancien directeur de l’OMC, le Français Pascal Lamy, qualifiant le projet d’accord de libre-échange entre l'UE et des pays du Mercosur de « correct pour l'agriculture française ». Gare à la dysphagie (bis).

En attendant Trump

L’OMC justement, cette organisation moribonde à laquelle le prochain locataire de la Maison blanche pourrait porter l’estocade, sur fond de guerres commerciales à tout-va. Le président américain élu a qualifié récemment le droit de douane de « plus beau mot du dictionnaire », faisant peser la menace d’une taxe de 10 à 20% sur les produits européens entrant aux États-Unis. Pendant sa campagne électorale, le carnivore Donald Trump s’était mû en équipier d’une célèbre enseigne de fast-food, distribuant des frites et confectionnant des burgers, des burgers bleu-blanc-rouge cela va sans dire comme les couleurs de la bannière étasunienne, nantie de 50 petites étoiles blanches. Pas des Michelin. De celles qui pourraient bien sonner le monde entier à compter du 20 janvier.