Crise agricole : la double peine de la bio

La Fnab estime l’aide de 50 millions d’euros bien en-deçà des 271 millions qu’elle juge nécessaires pour sauver la filière, menacée de décertification. Elle dénonce par ailleurs la « pause » sur Ecophyto pour « atteinte » à la transition écologique.

« Pas de pause pour la bio » : tel est le mot d’ordre lancé par la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) qui manifestait ce mercredi à Paris pour dénoncer le traitement de « défaveur » dont elle s’estime victime, après l’accès de fièvre de ces dernières semaines. La « pause » fait référence à la « pause » sur Ecophyto décrétée par le gouvernement le 1er février dernier et à toute une batterie de mesures (défiscalisation du GNR, rémunération, simplification, non-surtransposition etc..), ayant abouti à la « pause » du mouvement de contestation.

Au plan budgétaire, le ministère de l’Economie a chiffré le soutien à plus de 400 millions d’euros, dont 50 millions ciblant spécifiquement les producteurs bio. Pour la Fnab, on est loin du compte : la Fédération estime à 271 millions d’euros le budget nécessaire pour maintenir les 60.000 fermes bio en bio et les aider à passer la crise économique, un montant du reste voté à l’Assemblée nationale en décembre dernier dans le cadre du Projet de loi de finances, avant d’être retoqué par le 49.3.

La Fnab réclame par ailleurs un écorégime à hauteur de 145€/ha, loin des 93,72€/ha finalement versés au titre de la campagne 2023, qui inaugurait ce nouveau « paiement vert ». L’écorégime, qui capte 25% du budget dévolu premier pilier de la Pac, bénéficie également aux agriculteurs conventionnels, à hauteur de 46,69€/ha et 63,23€/ha pour les niveaux de base et supérieur (campagne 2023).

"Aujourd’hui en France, on gagne plus d’argent à arracher des haies qu’à en planter, on gagne plus d’argent à utiliser des pesticides qu’à essayer de s’en passer"

La Fnab n’a toujours pas digéré la suppression de l’aide au maintien décrétée en 2017, qui permettait selon elle de porter à 202€/ha le montant moyen des aides environnementales, loin des 93,72€/ha de l’écorégime, et ainsi de rétribuer les producteurs bio pour les services écologiques rendus, les fameux PSE (Paiements pour services environnementaux) qui peinent à émerger. « Aujourd’hui en France, on gagne plus d’argent à arracher des haies qu’à en planter, on gagne plus d’argent à utiliser des pesticides qu’à essayer de s’en passer, tant que ça fonctionnera comme ça, évidemment qu’on n’aura pas d’évolution des pratiques », pestait le président de la Fnab Philippe Camburet en début de semaine sur les ondes de France Culture.

Autant dire que la « pause » sur Ecophyto la ou encore  « remise en cause » du Green deal et de la Planification écologique « écœurent » les producteurs bio. « Il faut absolument réorienter les aides de la Pac, l’argent de tous les contribuables européens, qui doit revenir à celles et ceux qui modifient leurs pratiques et qui ne sont pas dans cette fuite en avant pour la compétitivité internationale », plaide le président de la Fnab, pour qui « la suppression des exigences environnementales est un véritable recul et met en danger la transition agroécologique de la France ».

Le gouvernement, qui réitère régulièrement l’objectif de 18% de SAU bio à fin 2027 (contre 10% fin 2022), se défend de tout lâchage, expliquant que le crédit d’impôt bio équivalait à un soutien supérieur à l’aide au maintien et mettant en avant un plan d’aide exceptionnel avoisinant les 200 millions d’euros alloué en 2023, et que viennent conforter les 50 millions d’euros annoncés par le Premier ministre, après la rallonge de 34 millions d’euros allouée en fin d’année. Lundi, sur France Culture, le ministre de l’Agriculture a également indiqué que 100 millions d’euros supplémentaires seront dépensés par l’Etat pour intégrer des produits bio dans les cantines de l’Etat. Le taux est actuellement compris entre 6% et 7% alors qu'Egalim en impose 20%, aussi bien en restauration collective publique que privée. « Le respect de la loi représenterait 1,4 milliard d’euros pour la filière », jauge Philippe Camburet.