Crise(s) agricole(s), Mercosur : la mobilisation continue, la Coordination rurale entre en scène

Les agriculteurs poursuivent mardi leur mobilisation dans toute la France, avec désormais la Coordination rurale qui entend saper l'hégémonie de la FNSEA et faire monter la pression en parlant de « bloquer le fret alimentaire ».

Deuxième syndicat agricole, la Coordination rurale (CR) tient son congrès annuel jusqu'à mercredi dans la Vienne. Le syndicat assure se tenir prêt, s'il n'obtient pas satisfaction, à « bloquer le fret alimentaire » à partir du 20 novembre, d'abord dans le sud-ouest de la France. Opposé comme les autres syndicats agricoles à la signature par l'Union européenne d'un accord de libre-échange avec des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), il demande aussi des baisses de charges.

En parallèle, les troupes des syndicats majoritaires FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA) restent mobilisées pour le deuxième jour d'affilée, un programme calqué sur les deux jours du sommet du G20 au Brésil, pour marquer l'opposition à la signature de cet accord commercial.

Selon les autorités, une centaine d'actions étaient attendues dans la nuit de lundi à mardi. A Châlons-en-Champagne, quelques manifestants devaient ainsi passer la nuit devant la préfecture, à proximité de 12 braseros, pour représenter les 12 étoiles du drapeau de l'UE.

Ce mode opératoire - allier des symboles et générer des images fortes pour les médias - a été répété toute la journée lundi. FNSEA et JA ont planté des croix dans le Var pour évoquer le péril selon eux mortel que court l'agriculture française. Ils ont bloqué le pont de l'Europe qui relie Strasbourg à l'Allemagne pour lancer un message à la Commission européenne, qui semble déterminée à conclure rapidement le traité avec le Mercosur, négocié depuis plus de 20 ans.

La France explique depuis des semaines « chercher des alliés » dans l'UE pour repousser une signature. Depuis le sommet du G20 au Brésil, Emmanuel Macron a affirmé lundi que la France n'était « pas isolée », estimant que plusieurs pays la « rejoignent » dans son opposition contre la mouture actuelle de l'accord. « Parce qu'il est engagé depuis plusieurs dizaines d'années, (cet accord) repose sur des préalables qui sont caducs », a-t-il relevé.

Côté agriculteurs, les motifs de mécontentement sont loin de se limiter au Mercosur. Trop de normes, de concurrence déloyale, pas assez de revenus ni de considération... Sur les barrages filtrants ou devant les préfectures, les messages sont presque identiques à ceux de l'an dernier, quand une mobilisation historique des agriculteurs avait abouti à 70 engagements gouvernementaux.

Leur traduction dans le quotidien des fermes a été ralentie par la crise politique issue de la dissolution de l'Assemblée nationale. Pour l'éleveuse de bovins Ghislaine Fourcade, les manifestations de l'hiver dernier n'ont apporté que « des petites miettes ». « Les gens ont toujours des problèmes de trésorerie, on n'a aucune simplification administrative, on a toujours des problèmes sanitaires et nous on demande un accompagnement profond du gouvernement », a-t-elle déclaré à l'AFP lors d'une manifestation à Auch.

Invité de l’émission « C à vous », sur France 5, lundi, le président FNSEA a estimé qu’il n’était « pas question de ne pas commercer », en rejetant l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. « Le sujet de fond porte sur la qualité et la réciprocité », a expliqué Arnaud Rousseau, affirmant que l’Europe ne contrôlait « à peu près que 3 % » des importations, émettant ainsi des doutes sur ces contrôles.

Estimant par ailleurs que « le Mercosur n’est que le catalyseur » des mécontentements des agriculteurs, Arnaud Rousseau a salué des « conditions de production parmi les plus élevées » au monde imposées par l’UE, mais a demandé que « ces standards [soient] également imposés aux importations », citant d’autres accords, notamment celui avec l’Ukraine.

« Aujourd’hui pas un seul prêt n’a été fait, pas un seul centime n’a été débloqué »

Interrogé également sur les promesses formulées en début d’année par le gouvernement, le président de la FNSEA a expliqué qu’elles étaient perçues et évaluées « à hauteur de ferme » par les exploitants, dénonçant un « décalage entre les annonces politiques et la réalité ». « Ce qu’on a comptabilisé comme fait, c’est ce qui est acquis dans nos exploitations », a-t-il insisté. Le premier ministre en exercice au début de 2024, Gabriel Attal, avait « annoncé des prêts de trésorerie en mars, aujourd’hui pas un seul prêt n’a été fait, pas un seul centime n’a été débloqué » à cause de la dissolution. « Quand vous êtes entrepreneur, vous ne vous nourrissez pas de la parole publique ».