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La sur-mécanisation, une machination immuable ?
[Edito] La FNCuma dresse un réquisitoire sévère à l’encontre de l’Etat, qu’elle accuse de pousser à l’achat irraisonné individuel, via sa politique fiscale et ses guichets d’aide à l’investissement. Salutaire mais sans doute vain.
« Les politiques publiques en matière d’agroéquipements ont été pensées et conçues pour alimenter la demande » : telle est la charge portée par le réseau Cuma dans un plaidoyer pour une « mécanisation responsable, durable et vivable ». Et de citer le 1,3 milliard d’euros de soutien annuel à la « sur-mécanisation individuelle » induit par l’exonération sociale et fiscale des plus-values de cessions de matériels. Ou encore la panoplie d’aides aux investissements, « des appels à projets qui tiennent lieu de feuille de route des politiques publiques », faisant référence aux centaines de millions d’euros distribuées ces dernières années au titre de la Planification écologique, du Plan de relance post-Covid, du Plan France 2030 du Plan protéines ou encore du Plan de souveraineté fruits et légumes. On s’y perd. Pas les intéressés, qui se ruent sur les guichets, épuisés sitôt ouverts pour certains, y compris les Cuma, qui bénéficient de plafonds relevés et d’une bonification de 10% des taux de subvention.
Des propositions emblématiques
Il faut dire qu’à coups de 20%, 30% ou 40% de subvention, même avec les plafonds bordant les dispositifs, le jeu en vaut la chandelle. A telle enseigne que les Cuma soupçonnent cette politique de la demande de nourrir l’explosion des prix des matériels (+26% en 3 ans selon Axema), derrière le paravent de la reprise post-Covid et de la guerre en Ukraine, impactant les prix des matières premières et de l’énergie. Dans son plaidoyer, la FNCuma demande à ce que l’Observatoire des prix et des marges soit étendu au secteur amont, et notamment aux agroéquipements. Elle attend aussi des pouvoirs publics qu’ils se penchent sur le contrat d’exclusivité liant constructeurs et concessionnaires, de nature à desservir l’exercice de la concurrence. Les Cuma demandent par ailleurs l’instauration d’un crédit d’impôt « mécanisation collective », qui serait financé en préemptant 17 millions d’euros sur les 1300 millions d’euros phagocytés chaque année par l’exonération des plus-values de cessions de matériels, dont ne bénéficient pas les Cuma.
Mutualiser 30% du parc
On notera la sagesse des Cuma : 17 millions d’euros sur 1300, c’est grosso modo le rapport entre le prix d’un GPS et celui d’un tracteur. Les Cuma sont sans doute moins soucieuses du bon usage des deniers publics que de la volonté de ne pas affoler les hangars (il y a un acheteur individuel derrière chaque cumiste). Mais, à l’heure où céréaliers, éleveurs et viticulteurs appellent au secours, quelle exploitation pourrait décemment renoncer à une économie moyenne de 15.000 euros par an sur ses charges de mécanisation, auxquels s’ajoute une économie potentielle de plus de 1000 litres de carburant après un diagnostic moteur ? Depuis bientôt 80 ans, les Cuma font rimer mutualisation et rationalisation mais le taux de partage plafonne à 10%. Dans son plaidoyer, qui comprend une dizaine de mesures, la FNCuma ambitionne un taux de 30% à horizon 2050. Ses propositions ont le mérite, a minima, d’ouvrir le débat. Ou plus exactement de rouvrir un sempiternel débat, aussi vieux que la (grosse) réforme de la Pac de 1992. Son plaidoyer est en partie inspiré d’un rapport du CGAAER datant de 2021. Trois ans ont passé et la vague inflationniste a déferlé. On reparle de tout ça… en 2050 ?