Agroéquipement : le plaidoyer-choc du réseau Cuma en faveur de la mutualisation

La Fédération nationale des Cuma formule une série de propositions destinées à décupler la mutualisation des parcs de machines, au service de la compétitivité, de la sécurisation des installations et de l’accélération des transitions. Le réseau fixe un taux de partage de 30% à horizon 2050 contre 10% aujourd’hui.

« Plaidoyer pour une mécanisation responsable, durable et vivable de l’agriculture française » : c’est l’intitulé du document édité par la Fédération nationale des Cuma. Publié au cœur d’un été marqué par une récolte céréalière historiquement faible, forçant une introspection des charges d’exploitation, la FNCuma livre un réquisitoire sans concession des logiques d’investissement prévalant en matière de mécanisation. Et c’est l’Etat qui concentre une bonne partie des critiques, sur deux points clés que sont la politique fiscale d’une part et les aides à l’investissement d’autre part.

Selon la FNCuma, plus de 1,3 milliard d’euros de plus-values de cessions de matériel sont exonérés chaque année d’imposition sociale et fiscale par les exploitations agricoles françaises. « Cette exonération encourage l’achat individuel de machines, et de ce fait n’incite pas les agricultrices et agriculteurs à davantage mutualiser », explique le réseau qui voit dans cette politique le principal frein à la mutualisation des machines, cantonnée à 10% du parc.

Remodeler la politique fiscale

Le réseau estime nécessaire de remodeler la politique fiscale et propose de réorienter une partie de la fiscalité vers le partage des matériels, en instaurant un crédit d’impôt équivalent à 7,5% des facturations aux adhérents, plafonné à 3000 euros par an hors jeunes installés. « Ce crédit d’impôt ne doit toutefois être vu que comme une première pierre pour retravailler au fond cette fiscalité des investissements », précise le réseau, qui a évalué à 17 millions d’euros par an le coût de la mesure, l’équivalent de l’exonération de plus-value si les machines agricoles détenues par les Cuma étaient détenues directement, sans mutualisation, par les exploitants agricoles. Pour la FNCuma, le principal frein à la mutualisation réside aujourd’hui dans cette politique fiscale.

"Les politiques publiques en matière d’agroéquipements ont été pensées et conçues pour alimenter la demande"

L’autre angle d’attaque réside dans la panoplie d’aides aux investissements. « Ce sont ces appels à projets qui tiennent lieu de feuille de route des politiques publiques sur le volet agroéquipements. Ce fonctionnement alimente le suréquipement des fermes », juge sévèrement le réseau, alors que le gouvernement a multiplier ces dernières années les guichets FranceAgriMer, au nom de la Planification écologique, du Plan de relance post-Covid ou encore du Plan France 2030. « Les besoins des agricultrices et agriculteurs, tout comme la compétitivité de leurs exploitations agricoles, ne sont donc pas au centre de cette myriade de politiques publiques qui stimulent la demande en soutenant l’industrie de la machine (…) Les politiques publiques en matière d’agroéquipements ont été pensées et conçues pour alimenter la demande (…) Ce sont ces appels à projets qui tiennent lieu de feuille de route des politiques publiques sur le volet agroéquipements. Ce fonctionnement alimente le suréquipement des fermes ».

Revoir le contrat d’exclusivité liant constructeur et concessionnaire

La FNCuma attend aussi des pouvoirs publics qu’ils se penche sur le contrat d’exclusivité liant constructeur et concessionnaire et souhaite étendre les missions de l’Observatoire des prix et des marges au secteur amont, notamment sur le volet agroéquipements. Selon le réseau, la flambée des prix des agroéquipements ces trois dernières années, à hauteur de 30%, ne s’explique pas seulement par l’inflation du coût des matières premières. « Le marché des agroéquipements est marqué par une très forte concentration de grands acteurs. Malgré des initiatives collectives telles que la centrale d’achat Camacuma, les agriculteurs apparaissent souvent en position difficile pour mener leurs négociations commerciales », estime la FNCuma.

Bilan du diagnostic de 85 exploitations en Pays de la Loire entre 2021 et 2022 par le réseau (Source FNCuma)
Bilan du diagnostic de 85 exploitations en Pays de la Loire entre 2021 et 2022 par le réseau (Source FNCuma)

Pour une stratégie nationale de l’agroéquipement

Reprenant à son compte une partie des recommandations du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER), figurant dans un rapport consacré aux charges de mécanisation et publié en 2021, la FNCuma plaide pour l’élaboration d’une stratégie nationale de l’agroéquipement et formule une dizaine de propositions, dont le renforcement des outils de pilotage des politiques publiques dédiées au secteur, le remodelage de la fiscalité à périmètre budgétaire constant, le développement d’une démarche stratégique pour le conseil et l’accompagnement en agroéquipement, la mise en place d’un diagnostic mécanisation à l’installation, le tout sous la gouverne de la Planification écologique, à même d’articuler l’ensemble des politiques publiques. « La Cuma est un espace de diffusion des pratiques agroécologiques : compostage, techniques sans labour, agriculture de précision, désherbage mécanique, légumineuses, valorisation des effluents d’élevage », rappelle le réseau Cuma, qui estime à 15.000 euros par an et par exploitation le potentiel moyen d’économie de charges de mécanisation.