Foin d’Egalim, de labels et autres crédits carbone, vive la gestion de l’offre de vaches

[Edito] Avec des prix records du lait et de la viande, la vache de réforme ne s’est jamais aussi bien portée et l’herbe n’a jamais été aussi verte pour la filière bovine. Quand la raréfaction de l’offre donne un avant-goût de la gestion de l’offre.

6,64 €/kg la vache U, +9% sur un an. 6,11 €/kg la vache R, +11% sur un an. 5,60 €/kg la vache O, +24% sur un an. 5,43 €/kg la vache P, +29% sur un an. Telles sont les cotations de la viande bovine en semaine 15 de cette année 2025. Des niveaux « historiques » selon l’Institut de l’élevage. Les cours du lait sont à l’avenant. Sur la voie lactée et dorée du beurre, le prix du lait conventionnel à teneurs réelles a atteint 500,10 € les 1000 litres en février, dernier chiffre officiel en date, soit +7,8% sur un an, tout près du record de janvier 2023 (500,50 €/1000 litres). Tourteaux sur les silos : les prix de l’aliment sont au plancher et l’herbe grimpe au ciel. Il est loin le temps où la profession réclamait un mécanisme de péréquation à leurs meilleurs amis céréaliers, avec l’écot du contribuable.

La décapitalisation, cette fausse-amie

La vache de réforme ne s’est jamais aussi bien portée et l’herbe n’a jamais été aussi verte pour la filière bovine. Merci la décapitalisation. Vraiment ? Si la raréfaction de l’offre redonne un peu de prise aux producteurs sur des industriels, plus repus que rompus au sevrage, la décapitalisation est à la vérité porteuse d’une triple menace existentielle, pesant sur la régénération des éleveurs, le maillage des outils de transformation et in fine, la vitalité des territoires. La raréfaction de l’offre n’est pas la maîtrise de l’offre. Le consentement de nos concitoyens à payer ce qui n’est rien d’autre qu’un juste prix, après des décennies de déflation alimentaire, n’est pas définitivement acquis, même si leur appétence croissante pour les produits tricolores français est un signe éminemment positif. Et puis les Français, carnivores invétérés, finiront peut-être par s’aligner sur les recommandations nutritionnelles, la consommation de viande de bœuf étant du reste la seule à se contracter, notamment sous l’effet… de son différentiel de prix.

Gare à la morsure du Mercosur

« L’Europe manque de viande bovine », mentionne encore l’Institut de l’élevage dans son analyse, parachevant un contexte en tout point favorable à la France ruminante, moule à veaux de l’Europe. Mais les menaces de déstabilisation des marchés se situent davantage du côté du Brésil et de l’Argentine, premiers fournisseurs de l’UE en viande bovine. Raison de plus pour s’épargner la morsure du Mercosur, ce qui relève chaque jour un peu plus d’une gageure, à l’heure où les Etats-Unis dynamitent le commerce mondial. En attendant, force est de constater que cette simili « meuh-trise » de l’offre fait beaucoup plus que la feuilletonesque loi Egalim, la surenchère de labels ou encore les lilliputiens crédits carbone.