Politique(s) agricole(s) : gare à la déshérence

[Edito] Alors qu’un nouveau gouvernement de plein exercice se dessine, l’instabilité politique pourrait perdurer, au risque de percuter les dossiers agricoles, aux plans national avec notamment le projet de loi d’orientation laissé en jachère, et européen, avec la réforme de la Pac en ligne de mire.

Après deux mois de trêve olympique et de flottement politique, un nouveau gouvernement de plein exercice sera à l’œuvre dans les jours à venir. Dans ce paysage et ce tempo un tant soit peu inédits, le casting importe moins que la mobilisation pleine et entière de nos gouvernants dans chacun de leur domaine respectif. Non pas que les services de l’Etat n’aient été assurés cet été, épargné par la sécheresse mais pas par la surchauffe des services d’équarrissage, les alertes sanitaires sur les fronts de la FCO et de la MHE ou encore les piètres récoltes de grains et de raisins, fragilisant nombre d’exploitations. Dernier exemple en date : la notification, à Bruxelles, d’un plan d’arrachage de vignes, censé répondre, au moins en partie, à la crise structurelle qui affecte se secteur ô combien vital et emblématique de la France agricole.

Quid de la loi d’orientation

Marc Fesneau, qui avait déclaré être à la tête d’un « ministère des crises » au plus fort de la fronde hivernale, tout comme son Administration, ont fait le job durant cette (longue) séquence. Le ministre « démissionnaire » s’est en prime fendu de nombreux déplacements sur le terrain, en (bon) marathonien des champs qu’il aura (aussi) été ces deux années passées rue de Varenne, arpentant ici la Foire de Châlons, là les Terres de Jim, évènement des JA où un certain Emmanuel Macron avait lancé le chantier de la future Loi d’orientation agricole en septembre 2022, avant de la faucher en décrétant la dissolution de l’Assemble nationale en juin dernier. Le projet de loi d’orientation sera-t-il réactivé, amendé, et au final voté par une Assemblée plus que jamais fracturée ? C’est peu dire que les défis démographiques voire existentiels de la profession ne supporteront pas un risque de déshérence politique potentiellement durable.

La future Pac bientôt à l’agenda

Parmi les dossiers qui vont remonter progressivement vers le haut de la pile du futur ou de la future ministre figure aussi celui de la prochaine réforme de la Pac, la programmation actuelle s’achevant en 2027. L’échéance peut paraître lointaine mais le top départ des réflexions a été donné par la Commission européenne il y a quelques semaines, avec le rapport du Dialogue stratégique, censé délivrer aux institutions européennes et aux Etats membres de l’UE des orientations visant à créer « des systèmes agroalimentaires socialement responsables, économiquement rentables et durables sur le plan environnemental ». On pourrait évoquer aussi les termes du futur accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. On peut néanmoins compter sur les agriculteurs pour rappeler nos dirigeants à leurs responsabilités, d’autant plus qu’ils vont eux aussi entrer dans un moment de joute électorale, avec l’élection de leurs représentants aux Chambres d’agriculture en janvier prochain. Avec là un mode de scrutin interdisant toute espèce de « cohabitation » ou de « coalition ».