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Mardi 04/11/2025

La décarbonation des automoteurs agricoles, une transition pavée d’entraves

Si les alternatives au GNR ne manquent pas, une étude prospective d’Axema pointe les freins techniques et règlementaires et plus encore financiers à la décarbonation des engins agricoles, qui représentent 2,5% des émissions totales de gaz à effet de serre de la France. D’où l’appel à l’écoconduite, l’entretien préventif ou encore la mutualisation des équipements.

« Sachant que les agriculteurs investissent en moyenne 5 milliards d’euros par an dans les machines motorisées, le surcoût de 77 à 149 milliards d’euros à investir sur 25 ans, soit 3 à 6 milliards d’euros supplémentaires par an, pour atteindre une décarbonation de 43%, semble difficilement réalisable ». Telle est la conclusion d’une étude prospective publiée le 31 octobre par Axema, l’association française des industriels et des importateurs de la filière des agroéquipements et des espaces verts. Répondant à la demande des pouvoirs publics, dans le cadre de la révision de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC-3) visant à atteindre la neutralité carbone à horizon 2050, Axema a conçu un calculateur permettant d’évaluer le pourcentage de décarbonation du parc et l’impact sur le coût d’investissement pour les agriculteurs.

Les énergies alternatives et leurs limites

Dans le secteur agricole, les alternatives au GNR, lui-même biosourcé à hauteur de 7%, ne manquent pas. A commencer par les carburants liquides bas-carbone, tels que l’hydrotreated Vegetable Oil (HVO) produit principalement à partir de déchets et de résidus organiques (dont les huiles alimentaires usagées et les graisses animales) et le biodiesel B100, 100% biosourcé. Problème : le B100 n’est pas homologué pour les moteurs Stage V de dernière génération tandis que l’HVO est sujette à une concurrence des usages, dont l’aviation.

Il faut aussi compter avec le dérivé du biogaz qu’est le bioGNV (Gaz naturel pour véhicules) mais au développement contraint par le différentiel de prix entre l’injection dans le réseau (environ 0,14 €/KW) et le prix du GNR (entre 0,6 et 0,11 €/KW), le coût des stations d’avitaillement (entre 40.000 et 200.000€) et l’offre de tracteurs, cantonnée à deux modèles New Holland.

Il y a enfin l’électricité et l’hydrogène, la première étant plutôt adaptée aux machines légères sans toutefois renoncer à monter en puissance et en autonomie, la seconde répondant aux usages intensifs. Mais selon Axema, l’électrification du parc est entravée par des économiques, logistiques, règlementaires et organisationnels. Et de réclamer un plan d’adaptation de la distribution d’électricité (infrastructure et bornes de recharge) et des mesures d’accès pérennes à un tarif stabilisant les coûts associés à l’achat, à l’utilisation et à la maintenance. Quant à l’hydrogène, son coût s’avère prohibitif et son modèle de développement encore largement lacunaire.

Les scénarios d’évolution du parc d’automoteurs agricoles et les incidences en termes de décarbonation et d’investissement (Source : Axema)
Les scénarios d’évolution du parc d’automoteurs agricoles et les incidences en termes de décarbonation et d’investissement (Source : Axema)

Les 7 scénarios

Résultats de la course à la décarbonation ? Moyennant les limites énoncées, Axema estime que le meilleur compromis entre décarbonation et surcoût d’investissement réside dans la HVO et le bioGNV. « Plus le pourcentage de décarbonation est proche de l’objectif à atteindre, plus le surcoût des investissements à financer est conséquent et difficile à financer sur la période, relève Axema. Il se pose alors la question de qui doit supporter ce surcoût d’investissement. Les aides cumulées pour l’achat de matériels agricoles sont actuellement de 300 à 500 millions d’euros selon les années. Il faudrait multiplier ces montants par dix pour la décarbonation des engins agricoles ».

En attendant, économiser le GNR

Toujours selon Axema, le coût additionnel du point de décarbonation se situe entre 0,3 et 3,4 milliards d’euros et doit « être mis en perspective avec un impact de 2.5% sur les émissions de GES du pays ».

En attendant la transition, Axema prône la mise en place d’un plan de développement des « bons comportements économes en énergie « reposant sur la formation à l’écoconduite, porteuse d’une économie de 20%, la maintenance des véhicules et le partage de l’utilisation.

Selon Axema, 1.325.000 automoteurs agricoles étaient en service en France en 2023, dont 904.000 tracteurs, avec un taux de renouvellement annuel de 2,5%. Le parc d’automoteurs agricoles émet 8.3Mt eqCO2 soit 18% des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture et 2.5% des émissions de l’Hexagone.