[Rétro 2024] En septembre, le loup perd une canine

Le Comité des représentants permanents de l’UE se prononce en faveur du déclassement d'un cran du statut du loup, de « strictement protégé » à « protégé », ce que la Convention de Berne actera en décembre. Reste à adapter le Plan loup en conséquence.

Le 25 septembre 2024, le Comité des représentants permanents de l’UE, dont les ambassadeurs sont chargés de préparer les travaux du Conseil de l’UE, se prononce en faveur du déclassement d'un cran du statut du loup, de « strictement protégé » à « protégé ». Le lendemain, lors d’une réunion du Conseil Compétitivité, les ministres ratifient la décision des ambassadeurs. Dans la foulée, la Commission européenne communique la proposition au secrétariat de la Convention de Berne.

Le 3 décembre, à une large majorité, son Comité permanent vote en faveur du déclassement. La modification entrera en vigueur le 7 mars 2025, date à partir de laquelle la Commission européenne proposera une modification législative de la directive Habitats, qui devra encore être adoptée par le Parlement européen et par le Conseil de l’UE. Tel est en l’enchainement ayant conduit au déclassement du loup, espèce protégée par la Convention de Berne depuis 1979, transcrite dans le droit national en 1989. Le loup figure à l’Annexe IV de la Directive habitats, laquelle met en œuvre les exigences de la convention de Berne. L’inscription du loup à l’Annexe IV lui confère le statut d’espèce « strictement protégée » Ce statut, s’il ménage des dérogations, interdit de fait toute velléité de régulation de l’espèce.

La présidente de la Commission à la manœuvre

C’est à l’automne 2023 que la présidente de la Commission européenne, réélue en juillet 2024 pour un second mandat, avait impulsé le changement de pied de l’UE sur le statut du loup. Ursula von de Leyen juge alors que « la concentration de meutes de loups dans certaines régions d'Europe » est devenue « un véritable danger pour le bétail et, potentiellement, pour l'homme ». La même Ursula von der Leyen sera un peu moins en odeur de sainteté lorsqu’elle finalisera, le 6 décembre, la signature du traité de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. Les données actualisées et cumulées au sein des Etats membres faisaient état d’une population de plus 20.000 individus, en augmentation, et s'étendant sur des zones de plus en plus grandes, avec la présence de meutes reproductrices dans 23 États membres.

En visite au Sommet de l’élevage le 4 octobre 2024, le Premier ministre Michel Barnier (et ancien ministre de l’Agriculture) loue la décision de Bruxelles, déclarant « qu’il y a enfin un mouvement sur cette question vers moins d’idéologie et plus de pragmatisme au niveau européen ». Le loup figure à l’Annexe IV de la Directive habitats, laquelle met en œuvre les exigences de la convention de Berne. L’inscription du loup à l’Annexe IV lui confère le statut d’espèce « strictement protégée » qui, s’il ménage des dérogations, interdit de fait toute velléité de régulation, au grand dam des éleveurs.

"Un choix démagogique qui n’apporte aucune solution"

En décembre dernier, à l’annonce du vote en faveur du déclassement, Michèle Boudoin, éleveuse de brebis dans le Puy-de-Dome et présidente de la FNO, salue une décision qui « entérine la reconnaissance de l’impact du loup sur les activités d’élevage, en terme économique et psychologique mais aussi pour les communautés rurales compte tenu du nombre de loups de plus en plus important et de leur dangerosité ». Du côté des organisations de protection de la nature (Aspas, FNE, Humanité & Biodiversité, LPO, WWF), on dénonce « un choix démagogique qui n’apporte aucune solution. La présence du loup est une réalité durable : la seule voie possible est donc celle de la coexistence, qui passe par des mesures de protection efficaces qui ont fait leurs preuves : chiens de protection, clôtures et présence humaine. C’est mentir au monde agricole que de faire croire que les tirs sont la solution prioritaire pour gérer la présence du prédateur ».

"On va donner un peu d’espoir à tous ces éleveurs impactés par la prédation depuis 20 ou 30 ans"

Ce n’est pas le point de vue de la FNO. « On ne veut pas que le loup soit complètement chassable, souligne Michèle Boudoin. L’idée, c’est que l’on puisse le réguler avec un normatif règlementaire sans équivoque, au moyen de tirs de défense s’apparentant à une mesure de protection et de rééducation du loup. Lorsque qu’un loup s’approchera des troupeaux, il s’exposera à des chiens de protection, à des filets et potentiellement à des tirs de défense. Impuni aujourd’hui, on va réapprendre au loup à avoir peut de l’homme. Ce faisant, il fera son boulot de régulation de la et calera ses naissances sur sa nourriture. On va donner un peu d’espoir à tous ces éleveurs impactés par la prédation depuis 20 ou 30 ans ».

Vers une adaptation du Plan loup ?

Reste à savoir comment, si le déclassement est entériné par le Parlement européen et le Conseil de l’UE, il se traduira concrètement dans la gestion du grand prédateur. Lors de la présentation du Plan national d’actions loup 2024-2029 à l’automne 2023, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau avait déclaré que le Plan pourrait être modifié au cas où le statut du loup évoluerait au niveau européen. « C’est la première fois que l’on affiche cette ambition d’un PNA plastique, adaptatif », avait-il déclaré. Le dossier est désormais entre les mains d’Annie Genevard, qui lui a succédé rue de Varenne, et d’Agnès Pannier-Runacher, son ex-ministre déléguée, qui officie désormais à la Transition écologique.

Les chiffres 2024, un premier accroc

Et à propos de Transition écologique, l’OFB fera état, le 13 décembre dernier, d’une population lupine estimée à 1003 individus, un chiffre comparable aux 1013 individus comptabilisés en 2023, tandis que les constats d’attaques et le nombre de victimes affichent des progressions respectives de 4,6% et 10,6%. L’année 2024 inaugurait une nouvelle méthode d’estimation de la population, intronisée par le PNA 2024-2029, et reposant sur l’analyse génétique de prélèvements en lieu et place d’indices visuels ou sonores. Furibonds, les éleveurs boycottent la réunion du Groupe national loup programmée le 16 décembre. Le loup a perdu une canine. Il lui en reste trois.

Les 12 temps forts de 2024, année erratique :

En janvier, les paysans sur le bitume, le Premier ministre sur la paille

En février, au Salon de l’agriculture, le soulèvement de terriens

En mars, on plante des haies et en octobre, on plante le Pacte

En avril, la France gagne une bataille contre l’Influenza aviaire

En mai, la loi d’orientation agricole adoptée… pendant 12 jours

En juin, la bio atteint son plafond de vert

En juillet, la pire moisson depuis 40 ans

En août, les maladies vectorielles cernent la France ruminante

En septembre, le loup perd une canine